« Allah yunsor Sidna » à Hammamet le 9 juillet 2015

Tous au service du spectacle dans un spectacle pour tous !
A l’heure du « chacun pour soi et Dieu pour tous », il est vital d’entendre un autre son de cloche. C’est ce que propose le Festival International de Hammamet avec son spectacle d’ouverture le 9 juillet 2015. Comme à son habitude, ce rendez-vous estival désormais incontournable de la scène culturelle tunisienne offre à son public, en guise de mise en appétit, une production inédite et empreinte d’une fraicheur qui se raréfie de plus en plus. S’il est de moins en moins facile d’étonner – au sens baudelairien du terme – dans un monde qui détonne de plus en plus, le choix d’assoir une tradition dans la programmation de l’ouverture et, de surcroît, opter pour le 4e art, est en lui-même une gageure ! Le sens du risque oui, mais un risque qui dévoile une certaine vision de la culture : une culture où les mots ne seraient pas de simples ballons de baudruche lâchés dans les airs ; une culture où les promesses faites à la jeunesse ne seraient pas des châteaux en Espagne ! Mais on ne peut construire l’avenir sans connaître son passé. Sans entrer dans les détails des causes qui ont engendré chez la plupart des Tunisiens une sorte de carence dans la connaissance de leur propre pays, on dira simplement qu’aujourd’hui, on a soif d’histoires qui racontent l’Histoire. Le propre de l’artiste en général et du dramaturge en particulier est de mesurer l’urgence et de répondre par anticipation à une attente latente.

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« Allah yunsor Sidna » à Hammamet le 9 juillet 2015

La pièce que le Festival International de Hammamet compte présenter jeudi soir est certes une création d’un homme de théâtre chevronné, en l’occurrence Ezzeddine Madani, mais elle est jouée par du sang neuf. Ezzeddine Madani reprend encore une fois le fil de l’Histoire comme trame de fond à « Allah yunsor Sidna » tandis que Abdelghani Ben Tara en assure la mise en scène avec, comme assistant, Saber El Hammi. Les comédiens quant à eux sont choisis pour autre chose que leurs noms ou leurs CV. « Place à la jeunesse » ne cesse-t-on d’entendre, sans pour autant le constater réellement ! Cette fois, nous y sommes. Des yeux qui brillent, des cœurs qui palpitent, des âmes généreuses prêtes à tout donner à leur public en attendant un retour, un écho, une participation. Il ne reste qu’un pas pour parler d’interactivité, de dialogue entre la scène et les gradins.

Nul bonheur n’est comparable à la vue de ces jeunes acteurs se livrant entièrement dans l’exercice de leur art. Ils ne sont peut-être pas connus du grand public ; ils ne correspondent pas vraiment à ceux que l’on appelle « têtes d’affiche ». Ils sont plus que cela. Ils sont la promesse ; ils sont le souffle ; ils sont l’horizon. Lorsqu’ils nous plongent dans la Tunisie du milieu du XIXe siècle à partir de l’événement le plus marquant de cette période, à savoir la promulgation du « pacte fondamental » (‘aahd el amane) statuant que les Tunisiens sont des citoyens et non des sujets, jouissant de droits et ayant des devoirs, c’est la Tunisie d’aujourd’hui que l’on voit dans leurs yeux pétillant de vie et d’espoir. La Tunisie de Mohammed Es-Sadok Bey tiraillée entre le respect des lois constitutionnelles et la tentation du pouvoir absolue, marquée par la révolte de Ali Ben Ghedhehem contre les décisions arbitraires de dirigeants corrompus, confirme le postulat amer de Nietzsche : l’éternel retour du même. La pièce de Madani, de par le sujet qu’elle traite, le choix de ses interprètes et sa programmation en ouverture, s’inscrit superbement dans la lignée des succès portant la griffe du Festival International de Hammamet : une aventure humaine que l’on n’est pas prêt d’oublier.
Raouya K.

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« Allah yunsor Sidna » à Hammamet le 9 juillet 2015

« Allah yunsor Sidna » : Pièce de Ezzeddine Madani, mise en scène par Abdelghani Ben Tara assisté par Saber El Hammi, interprétation :
Kaïs Aouididi, Atef Bey, Mounir Boughanmi, Kaïs Chabéni, Raouf Drissa, Lotfi Elakremi, Walid Elgharbi, Khoubaïeb Elayari, Nidhal Hannechi, Mohamed Jrichi, Elyes Labidi, Mohammed Saïd