L’autonomisation économique des femmes dans la région MENA

Le rapport sur L’autonomisation économique des femmes dans la région MENA analyse les défis auxquels l’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, la Libye, le Maroc et la Tunisie doivent faire face dans l’action qu’ils mènent pour encourager les femmes à occuper un emploi ou à devenir entrepreneuses, et présente des recommandations concrètes à l’intention des gouvernements afin qu’ils progressent dans la résolution de ces problèmes. Le rapport s’articule autour de quatre grands axes : le chapitre 1 présente une vue d’ensemble de la participation des femmes à la vie économique dans les six pays examinés, le chapitre 2 étudie les engagements internationaux et les principes constitutionnels ainsi que l’accès des femmes à la justice, le chapitre 3 analyse l’impact du droit de la famille sur les possibilités d’autonomisation des femmes, et le chapitre 4 examine la législation du travail du point de vue des droits des femmes en tant que salariées et chefs d’entreprise.

Présence des femmes sur le marché du travail et entrepreneuriat féminin
Les femmes demeurent un potentiel inexploité pour la promotion de la croissance, de la compétitivité et d’un développement social inclusif en Algérie, en Égypte, en Jordanie, en Libye, au Maroc et en Tunisie. Les données montrent que ces six pays ont accompli des progrès non négligeables dans le domaine de l’éducation, mais elles indiquent aussi que ces avancées n’ont pas encore eu pour effet de combler l’écart entre les sexes quant à la participation à la vie économique. Le pourcentage de femmes occupant un emploi dans ces pays figure parmi les plus faibles du monde. Les différences de salaire entre les femmes et les hommes persistent tant dans le secteur public que dans le secteur privé, et l’emploi précaire ou informel est particulièrement important chez les premières. De plus, les taux de création et de développement d’entreprises par les femmes sont très bas par comparaison avec ceux des pays d’autres régions du monde.

Si la collecte de données s’est améliorée dans les six pays, la rareté des données ventilées par sexe sur l’éducation et la participation à la vie économique qui permet difficilement aux pouvoirs publics de définir des politiques éclairées en faveur de l’emploi et de l’entrepreneuriat des femmes, et d’en suivre la mise en oeuvre de façon systématique.

Engagements internationaux et constitutionnels et accès des femmes à la justice
Les six pays ont ratifié les grandes conventions internationales visant à promouvoir l’égalité et la non-discrimination entre femmes et hommes. Au lendemain des soulèvements de 2011 et en réponse à l’exigence d’une plus grande égalité entre les sexes exprimée par les citoyens, certains pays ont modifié leur constitution ou en ont adopté une nouvelle afin de mieux prendre en compte leurs engagements internationaux; ils ont aussi décidé de se conformer à des normes régionales et pris expressément des mesures pour être plus fidèles à leur promesse de favoriser l’émancipation des femmes. Pour que ces engagements puissent se traduire effectivement en actes, il faut que les modifications constitutionnelles soient incorporées dans les cadres juridiques nationaux, processus qui n’est pas encore achevé.

Pour que les femmes puissent réellement faire valoir les droits que leur confère la loi, il faut aussi que le système judiciaire en garantisse l’application effective. Dans les six pays examinés, femmes et hommes ont en principe un accès égal à la justice, mais dans les faits, les femmes se heurtent à un certain nombre d’obstacles. Les tribunaux ne font pas toujours respecter les règles, le corps judiciaire n’a pas nécessairement connaissance des principes et normes en vigueur, les femmes sont souvent ignorantes de leurs droits, et même quand elles ne le sont pas, les normes sociales et les contraintes financières peuvent les empêcher de saisir les tribunaux. Le fait que les femmes soient rares parmi les juges peut aussi avoir une importance.

Droit de la famille et survivance des rôles traditionnels
Parallèlement au droit civil, les pays de la région MENA disposent d’un code du statut personnel qui régit les relations au sein de la famille. Les législateurs des six pays ont modifié le droit de la famille de manière à renforcer l’égalité entre femmes et hommes. Mais des différences persistent dans des domaines tels que le mariage, le divorce, le droit à la propriété, l’héritage et même la liberté de quitter la maison pour aller travailler ou pour voyager.

Les dispositions discriminatoires du code du statut personnel ont des répercussions négatives sur l’autonomie des femmes et des effets défavorables sur leur sécurité en matière économique, leur rôle social et leur confiance en soi. Cette situation a une incidence sur leur aptitude à prendre pleinement part à la vie publique et économique. E importe par conséquent de réformer la législation sur la famille à la lumière de la nouvelle constitution ou de la constitution modifiée des pays, de sorte qu’elle tienne mieux compte des garanties que prévoit cette demière pour promouvoir l’émancipation des femmes. Lors de l’incorporation des articles concernés de la constitution dans le code juridique, il est nécessaire de prendre pleinement en considération le droit des femmes à participer sans restriction à la vie économique, ainsi qu’à exercer leur capacité d’agir dans leur vie personnelle.

Droits des femmes au travail et entrepreneuriat féminin
Les six pays examinés n’ont que très peu modifié leur législation du travail ces dernières années, et aucun changement n’a été introduit après l’adoption d’une nouvelle constitution. De même, s’agissant de l’entrepreneuriat, aucune mesure d’envergure n’a été prise pour réformer les dispositions juridiques relatives à la création d’entreprises, à leur gestion ou à leur développement, mais les textes de loi y afférents sont généralement considérés comme valables indifféremment pour les deux sexes.

Les femmes sont pourtant confrontées à des difficultés spécifiques sur le lieu de travail ou dans le domaine de l’entrepreneuriat, qu’il s’agisse du recrutement, de la rémunération, des prestations sociales ou de la retraite. Certaines dispositions destinées à protéger les femmes soumettent les employeurs privés à des restrictions ou leur imposent des coûts supplémentaires. Le congé de maternité ou le départ anticipé des femmes à la retraite peuvent influer sur leurs gains et leur pension. Les femmes entrepreneuses ont des difficultés à accéder au financement pour leurs projets, et l’expérience professionnelle ou les réseaux que possèdent les hommes leur font souvent défaut. De plus, le harcèlement sexuel et l’absence de moyens de transport appropriés et sécurisés peuvent aussi entraver la participation des femmes à la vie économique.

Principales actions à mener
Les gouvernements peuvent s’appuyer sur les avancées déjà réalisées pour réformer leurs politiques dans un sens propice à l’autonomisation économique des femmes. Ils peuvent notamment articuler leur action autour des grands axes suivants

  • Déterminer l’impact des inégalités entre femmes et hommes : il est nécessaire de disposer de données ventilées par sexe sur l’éducation et les activités économiques pour pouvoir systématiquement définir des politiques étayées par les faits.
  • Mettre en oeuvre les engagements internationaux : les conventions internationales relatives à l’égalité entre les sexes et les engagements qui en découlent doivent être inscrits dans les systèmes juridiques nationaux et leur respect assuré au moyen d’une surveillance efficace.
  • Améliorer l’accès à la justice l’étude des conventions internationales devrait faire partie intégrante de la formation juridique, afin que les juges et autres professionnels du droit aient une meilleure connaissance des droits des femmes, et des efforts doivent être faits pour permettre aux femmes elles-mêmes de mieux connaître leurs droits.
  • Progresser dans le domaine du droit de la famille : le code du statut personnel doit être aligné sur les principes de l’égalité entre les sexes et de la non-discrimination entre les femmes et les hommes inscrits dans la constitution nationale et les engagements internationaux.
  • Renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes sur le marché du travail la législation du travail doit être actualisée de façon à combattre les discriminations contre les femmes dans tous les types d’activité et tout au long de la vie active, et il conviendrait d’intensifier la surveillance et de durcir les sanctions pour remédier au décalage entre la législation du travail et les pratiques effectivement suivies.

Une liste plus détaillée de recommandations est présentée dans la section ci-dessous, intitulée r Évaluation et Recommandations ».