Le magazine African Business, dans son dernier numéro, consacre une chapitre sur l’avenir économique de la Tunisie, appelée à changer de stratégie économique et se tourner davantage vers l’Afrique.

Le directeur exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) Carlos Lopes, en se référant aux estimations de la Banque centrale de Tunisie (BCT), précise que le taux de croissance serait limité à 1% en 2015. « Ce ralentissement provient d’une part de la conjoncture sécuritaire, mais de manière plus structurelle de l’atonie de la demande extérieure adressée à la Tunisie, dont 64% des échanges commerciaux se réalisent avec l’Union Européenne ».

Et d’ajouter que le marché Tunisien, depuis les années 80, était orienté plus particulièrement vers l’Europe au détriment de l’Afrique qui à l’époque ne constituait pas un marché à fort potentiel, moyennant une croissance faible de l’ordre de 2% et ayant des problèmes récurrents dans le cadrage macroéconomique.

M. Lopes pense que « ce positionnement joue doublement à l’encontre de la Tunisie, car elle souffre non seulement du ralentissement économique de son principal partenaire économique mais reste globalement à l’écart du marché africain. Aujourd’hui, les leviers de la transformation structurelle de la Tunisie sont bien en Afrique ».

Sur le plan commercial, et concernant les parts des exportations africaines par rapport au PIB, la Tunisie est au 28ème rang sur le continent en matière d’attractivité des investissements directs étrangers – IDE. De ce fait, lorsqu’il s’agit de s’inscrire dans les chaînes de valeur régionale, la Tunisie occupe la 21ème position en termes de part totale des exportations de biens intermédiaires intra-africains.

Dans ce contexte, le directeur exécutif de la CEA devait préciser que l’accord de libre échange continental (CETA) dont les négociations ont été lancées en juin 2015 au Caire, pour une entrée en vigueur en 2017, « va essentiellement promouvoir les exportations tunisiennes de produits manufacturés. Ces produits représenteraient près de la moitié des exportations (48%) qui devraient augmenter à 2,3 milliards de dollars (+6,8%) d’ici 2020. Ce chiffre serait doubler si des mesures de facilitation du commerce sont décrétées, améliorant de 2,5% l’efficacité des opérations administratives liées aux commerces ».

Un autre accord conclu avec les pays de la Ligue des Etats Arabes favoriserait les exportations de produits miniers, alors que l’accord d’association avec l’UE favoriserait plutôt les exportations de produits agricoles.
« Ces résultats indiquent clairement que la Tunisie, comme les autres pays de la région, doit régler la mise en œuvre des accords commerciaux de manière stratégique en privilégiant ceux qui vont développer leur capacité à exporter des produits industriels manufacturés de plus en plus sophistiqués, créant des emplois modernes et urbains. Ceci passe également par des réformes de facilitation du commerce et de l’investissement qui soient orientées vers le commerce intra-africain », ajoute M.Lopes.

Pour ce qui est du secteur des services, la Tunisie a sa carte à jouer au niveau continent. En effet, dans la secteur du tourisme, les entrées touristiques étaient plutôt régionales, notamment en provenance de l’Algérie, moyennant une progression de 35,6%. « Ceci illustre la nécessité pour la Tunisie de réorienter sa stratégie vers une clientèle continentale, dont le volume et le pouvoir d’achat connaissent une dynamique sans précédent ».

Le développement du tourisme dépend aussi de la performance du secteur de transport aérien et d’une stratégie de marketing et de présence sur les principaux marchés émergents. En effet, Tunisair ne couvre ainsi qu’une dizaine de destinations en Afrique dont cinq seulement en Afrique subsaharienne.