Dans une de plein emploi, la politique de relance budgétaire a toutes les chances de creuser le déficit courant des États-Unis


■ Le dollar s’est affaibli malgré la hausse des taux longs alimentée par la perspective d’une augmentation du déficit budgétaire et de resserrements monétaires
■ Une explication possible pourrait résider dans une certaine remise en question du privilège du dollar en tant que monnaie de réserve.

Le « privilège exorbitant » des États-Unis en tant qu’émetteur de la monnaie de réserve mondiale est-il sur le déclin ? L’avenir seul nous le dira : après tout, l’évolution du rang international d’une monnaie est un processus très lent. Certaines raisons justifieraient toutefois de s’en préoccuper. Les États-Unis ont adopté pour cette année et la suivante une politique de relance budgétaire, et de resserrement monétaire (relèvements de taux, allègement du bilan de la Réserve fédérale). Cette orientation a commencé à exercer une pression à la hausse sur les taux longs, une tendance qui devrait se poursuivre. L’écart de taux d’intérêt avec les Bunds allemands s’est creusé.

Depuis septembre, l’euro s’est toutefois apprécié face au dollar. Des facteurs propres à la zone euro jouent un rôle (spéculation autour d’un durcissement du ton de la BCE, euro toujours jugé inférieur à sa juste valeur), mais cette évolution peut aussi refléter des préoccupations quant aux conséquences à court et à long terme de la politique actuelle des États-Unis. À court terme, dans une économie de plein emploi, la politique de relance budgétaire a toutes les chances de creuser le déficit courant, parallèlement au déficit budgétaire : les réductions d’impôts accordées aux entreprises devraient dans une certaine mesure encourager l’investissement et les ménages, confiants dans l’avenir proche, ne seront pas incités à augmenter leur taux d’épargne. Comme il faut bien financer l’augmentation des deux déficits, il importe de rémunérer davantage le capital pour attirer des fonds. Une monnaie plus faible peut également se révéler utile en cela que les investisseurs, jugeant à partir d’un certain moment le dollar sous-évalué (ce qui n’est pas encore le cas à l’heure actuelle), s’attendraient à ce qu’il finira par remonter.

À plus long terme, l’inquiétude pourrait provenir du fait que les États-Unis consomment actuellement leur marge de politique budgétaire tout en étant en haut du cycle économique. Lorsque surviendra la prochaine récession, le pays devra creuser encore davantage son déficit et accepter une augmentation de son ratio dette/PIB. En outre, un tel scénario pourrait contraindre la Fed à adopter une politique particulièrement expansionniste avec le risque que l’inflation finisse par dépasser l’objectif de la Fed. Dans un tel contexte, le dosage actuel des politiques budgétaire et monétaire finirait par entamer le privilège d’émettre la monnaie de réserve, avec des conséquences pour les rendements obligataires comme pour le dollar.