Etats-Unis – Rendements des Treasuries : le retour du casse-tête

Depuis le début de l’année, l’écart de rendement entre les Treasuries à 2 et 10 ans s’est réduit d’environ 100 points de base. Cela suscite des inquiétudes car, par le passé, un aplatissement significatif de la courbe de taux a souvent précédé une récession. Elles sont d’autant plus vives que la Fed a engagé un cycle de resserrement, faisant planer le spectre d’un excès de zèle monétaire. L’aplatissement de la courbe signifie que les taux longs réagissent peu à la remontée des taux directeurs. La Federal Reserve Bank of San Francisco se demande ainsi cette semaine si le marché obligataire américain n’engendrerait pas un casse-tête comparable à celui de 2004-2005.

L’interprétation de ces développements est toutefois devenue plus difficile, l’assouplissement quantitatif ayant poussé les taux longs à la baisse. De plus, le Trésor américain a annoncé qu’il allait réduire les émissions sur la partie longue de la courbe, ce qui pourrait contribuer à son aplatissement. Or, en décomposant le rendement obligataire en rendement « risque neutre » (les anticipations de politique monétaire) et en prime de terme, on observe que le rendement « risque neutre » a évolué normalement, donc à la hausse, en phase avec le taux des Fed funds. Pourquoi les investisseurs anticipent-ils un durcissement monétaire tout en acceptant une prime de risque de plus en plus négative ?

Outre des raisons purement économiques – décrue de la prime de risque d’inflation ou repli du taux d’intérêt d’équilibre – la théorie du portefeuille offre une autre explication. Les investisseurs pourraient se tourner vers le marché obligataire, malgré la faiblesse des rendements, parce qu’il offre une couverture contre le risque de perte extrême, lié à leurs positions en actions. Comme le montre le graphique, la corrélation entre les variations du S&P500 et celles des rendements des Treasuries est en moyenne restée élevée ces dernières années (contrairement à 2005-2006). En cas de repli du marché actions, l’impact sur la performance d’un portefeuille diversifié sera amorti par le recul des rendements et, partant, par les gains obligataires. Ce comportement peut conduire à une dynamique auto-entretenue : la faiblesse des rendements incite à préférer les actions, poussant ainsi leur valorisation à la hausse, ce qui renforce la demande de couverture (emprunts d’Etat américains) contre le risque de perte extrême. Il s’ensuit une détente des rendements qui, en termes relatifs, rend plus acceptables des multiples cours-bénéfices élevés. Deux conclusions s’imposent donc : le sort de Wall Street dépend dans une large mesure de l’évolution des rendements obligataires ; dans l’analyse des perspectives économiques, d’autres variables que la courbe de taux doivent être prises en compte.

William de Vijlder