Le Panama sur la liste noire des paradis fiscaux : une mesure avant tout symbolique

Paris va réintégrer Panama sur la liste noire des paradis fiscaux et a demandé à l’OCDE de faire de même, à la suite des révélations des « Panama papers ». Une mesure avant tout symbolique.

« Au plus vite ». Le Panama va être réintégré sur la liste noire française des paradis fiscaux. Le ministre des Finances Michel Sapin l’a confirmé, mercredi 6 avril, et l’a répété : il souhaite que la mesure soit prise rapidement. Le petit État d’Amérique centrale ne figurait plus sur la liste depuis 2012, après la signature d’un accord bilatéral de coopération dans la lutte contre l’évasion fiscale. Mais les « Panama papers » ont démontré que ce pays n’avait jamais cessé d’être une destination de choix pour dissimuler de l’argent aux yeux du fisc.

Bercy a également demandé à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) – qui fait référence en matière de coopération interétatique dans la lutte contre les paradis fiscaux – de réintégrer Panama dans sa propre liste des « juridictions non-coopératives »… liste vide depuis 2009. En fait, le pays figure sur la liste « grise » des 38 territoires « ayant pris des engagements » pour améliorer la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale.

« Le minimum » à faire

Cette offensive du gouvernement français « est le minimum que la France devait faire », assure à France 24 William Bourdon, président de Sherpa, une ONG de lutte contre les crimes économiques. Elle montre au moins que Paris reconnaît que le Panama appartient à « ce grand trou noir de la finance internationale, qui représente le plus important défi en matière de lutte contre la corruption internationale et d’évasion fiscale ». En théorie, les effets sont dissuasifs : les entreprises et particuliers ne peuvent pas faire des affaires dans des territoires sur liste noire (ouvrir des filiales ou un compte) sans avoir à payer un lourd tribut fiscal. Encore faut-ils que le fisc soit au courant, ce qui est rarement le cas.

Se retrouver sur une liste noire est désastreux pour l’image du pays. C’est une sorte de gifle diplomatique qui peut servir à faire pression sur le pays concerné, ajoute Markus Meinzer, l’un des principaux analystes de Tax Justice Network, une ONG spécialisée dans la lutte contre l’évasion fiscale. « Lorsque les autorités obtiennent la coopération d’une place financière offshore sur certains dossiers, elles peuvent décider de la délister en récompense », explique-t-il à France 24.

Cette arme diplomatique est cependant loin d’être satisfaisante… Il aura fallu quatre ans et les révélations des « Panama papers » pour que Paris réagisse au double jeu panaméen.

À chacun ses listes

Mais le principal problème des listes noires et grises réside dans le fait que chaque pays, ou presque, à dressé la sienne. En Europe, la France ne classe que six pays dans la catégorie des paradis fiscaux, tandis que le Portugal en recense 82. Entre ces deux extrêmes, la Pologne estime qu’il en existe une trentaine dans le monde. Seule la Finlande met la Suisse à l’index. Le Panama n’est, quant à lui, listé que par huit pays européens (Bulgarie, Croatie, Pologne, Portugal, Grèce, Slovénie, Lituanie, Lettonie). Mais aucun pays européen n’inclut dans ses listes certains centres financiers internationaux connus pour leurs douceurs fiscales – le Luxembourg ou l’État du Delaware aux États-Unis. Un point qui contribue à décrédibiliser un peu plus ces listes.

Le cas de la liste noire française est très révélateur. Ses critères d’inscription sont parfois étonnants : « Il ne faut pas, par exemple, que le pays soit membre de l’Union européenne, comme si le Luxembourg ne pouvait pas être un paradis fiscal », dénonce Manon Aubry, responsable plaidoyer justice fiscale à l’ONG de lutte contre la pauvreté Oxfam.

En l’absence de critères objectifs pour définir un paradis fiscal, ces listes deviennent rapidement « extrêmement politiques », assure cette spécialiste. Les pays dans le collimateur français (Botswana, îles Marshall, Guatemala, Brunei, Nauru, Niue), par exemple, « sont vraiment des acteurs mineurs, alors que les îles Vierges britanniques – où sont créées encore plus de sociétés écran qu’au Panama – ont été retirées de cette liste en décembre 2015 », précise-t-elle.

En plus d’être incomplètes et donc inefficaces, ces nombreuses listes « créent un manque de compréhension pour le grand public », résume William Bourdon.

Une solution, estiment les ONG, serait de parvenir à élaborer « un fonds commun de critères pour définir un paradis fiscal », souligne le président de Sherpa. En 2003, la convention des Nations unies de Merida avait permis d’établir une définition commune pour les actes de corruption. Il serait temps, selon lui, de suivre le même chemin pour les « juridictions fiscalement non-coopératives ». Car pour l’heure, le Panama n’a pas grand chose à craindre de son inscription sur la liste noire des paradis fiscaux.

AFP
Photo : Le bâtiment panaméen qui abrite le cabinet d’avocats Mossack Fonseca.