Le Conseil fédéral prolonge le blocage préventif des avoirs tunisiens et ukrainiens et abroge celui des avoirs égyptiens

Cette décision vise à soutenir la coopération judiciaire avec les deux Etats

Lors de sa séance du 20 décembre 2017, le Conseil fédéral a décidé de prolonger d’une année le blocage préventif des avoirs des présidents déchus Ben Ali (Tunisie) et Yanukovych (Ukraine) et de leurs proches. Cette décision vise à soutenir la coopération judiciaire avec les deux Etats. Prenant acte de la récente clôture des procédures d’entraide judiciaire entre la Suisse et l’Egypte, le Conseil fédéral a décidé d’abroger avec effet immédiat le blocage des avoirs dans le contexte égyptien.

Au début de l’année 2011, le Conseil fédéral avait immédiatement réagi aux révoltes arabes en cours, ordonnant à titre préventif le blocage des avoirs en Suisse des présidents déchus Ben Ali et Moubarak et de personnes politiquement exposées de leur entourage. Il a ensuite prononcé un blocage similaire dans le contexte de la crise ukrainienne de février 2014.

La loi fédérale sur les valeurs patrimoniales d’origine illicite (LVP), entrée en vigueur le 1er juillet 2016, réglemente la durée des blocages ainsi que les conditions de leur renouvellement annuel. Un renouvellement est possible lorsque la coopération porte des fruits dans le cadre de l’entraide judiciaire.

Prolongés d’un an par décision du Conseil fédéral du 9 décembre 2016, les blocages tunisien (CHF 56 millions) et ukrainien (CHF 70 millions) arriveront respectivement à échéance en janvier et février 2018. Des années après leur entrée en vigueur, plusieurs procédures ont été ouvertes contre les principaux protagonistes et les autorités de ces pays ont activement progressé dans le traitement des cas sur le plan judiciaire. Cependant, des jugements sont encore nécessaires pour déterminer si les avoirs bloqués sont d’origine illicite; des accords transactionnels validés par la justice de ces pays peuvent constituer une solution alternative. Le blocage préventif du Conseil fédéral n’ayant pas encore pleinement atteint son objectif et les conditions légales d’un renouvellement étant remplies, il se justifie de le reconduire. Un renouvellement d’une année doit permettre des progrès tangibles dans l’avancement des procédures ouvertes, ce qui favorisera les perspectives de possibles restitutions.

Dans le contexte égyptien, le blocage remonte à 2011 et portait sur un montant initial d’environ USD 700 millions. Conformément à la nature préventive de la mesure, le fait d’être listé dans l’ordonnance de blocage n’implique pas nécessairement que les personnes visées détiennent des avoirs en Suisse. Tel n’était en particulier pas le cas de l’ancien président Hosni Mubarak.

Depuis 2011, le montant des avoirs bloqués a progressivement été réduit à environ CHF 430 millions suite à des radiations intervenues sur demande des autorités égyptiennes, lesquelles ont conclu des accords de réconciliation en Egypte. Conjugués à plusieurs acquittements ou décisions de classement, ces accords ont contribué à l’abandon des poursuites pénales par la justice égyptienne des cas les plus emblématiques susceptibles d’avoir un lien avec les avoirs bloqués en Suisse.

Dans ces circonstances et du fait de l’absence de résultats matériels, les autorités judiciaires suisses ont clos à la fin août 2017 les procédures d’entraide judiciaire ayant un lien potentiel avec les avoirs bloqués en Suisse. Près de sept ans après le blocage prononcé en 2011 et malgré les efforts communs déployés, la coopération entre les deux pays n’a pas produit les résultats escomptés. La clôture des procédures d’entraide implique la disparition de perspectives réalistes de restitution de ces avoirs dans le cadre de l’entraide. Le blocage égyptien fondé sur la LVP a ainsi perdu sa raison d’être, telle que définie par la loi et la jurisprudence, ce dont le Conseil fédéral a pris acte en l’abrogeant avec effet immédiat. Cette mesure n’a toutefois pas pour effet de libérer les avoirs (env. CHF 430 millions). Ceux-ci demeurent en effet séquestrés dans le cadre de procédures pénales menées en Suisse par le Ministère public de la Confédération dont le but est d’en déterminer l’origine licite ou non.