Une stratégie de financement sans précédent : Les chiffres clés
La Russie a officiellement fixé les indications de rendement pour sa toute première émission d’obligations souveraines libellées en yuan, marquant une rupture définitive avec les systèmes financiers occidentaux. Selon des sources de marché, le ministère des Finances a établi mercredi des fourchettes précises :
- 6,25 % à 6,50 % pour les obligations à maturité de 3,2 ans.
- Un maximum de 7,5 % pour les obligations à maturité de 7,5 ans.
Le placement de ces titres est programmé pour le 8 décembre, avec une clôture des carnets d’ordres prévue le 2 décembre. L’opération vise un volume total allant jusqu’à 400 milliards de roubles (soit environ 4,9 milliards de dollars). L’appétit du marché semble vorace : les analystes anticipent déjà une offre sursouscrite à 100 %.
Un déficit budgétaire hors de contrôle
Cette émission obligataire n’est pas un simple ajustement technique, mais une réponse d’urgence à une crise budgétaire de proportions historiques. Les prévisions du ministère des Finances sont alarmantes :
- Le déficit pour 2025 est désormais attendu à 5,7 billions de roubles (63 milliards de dollars).
- C’est près de cinq fois l’objectif initial qui était fixé à 1,2 billion de roubles.
- Dès octobre, le déficit accumulé atteignait déjà la barre critique de 4,2 billions de roubles.
L’effondrement généralisé des recettes fiscales
La dégradation des finances publiques russes s’explique par une chute brutale des revenus sur presque tous les fronts fiscaux :
- Hydrocarbures : Les revenus pétroliers et gaziers ont plongé de 20 % en glissement annuel.
- Douanes : Les droits de douane ont reculé de 19 %.
- TVA : Les recettes devraient manquer leur cible de 1,19 billion de roubles.
- Impôts sur les bénéfices : Un manque à gagner de 167 milliards de roubles.
- Taxes de recyclage : Inférieures aux prévisions de 440 milliards de roubles.
Le pivot stratégique vers la Chine expliqué par Siluanov
Le ministre des Finances, Anton Siluanov, a justifié cette transition monétaire par la nécessité de sécuriser les flux financiers de l’État.
« Auparavant, les paiements étaient effectués en dollars et en euros, transitant par des banques occidentales qui pouvaient suspendre les règlements à tout moment », a déclaré le ministre, soulignant la vulnérabilité de l’ancien modèle face aux sanctions.
Le rôle crucial des géants de l’énergie (Rosneft et Lukoil)
L’émission offre une opportunité vitale de recyclage des liquidités pour les entreprises énergétiques russes. Ces dernières accumulent des réserves massives de yuan issues de leurs ventes à la Chine, leur principal client restant.
Les deux mastodontes pétroliers, Rosneft et Lukoil, ont accéléré le rapatriement de leurs revenus en yuan. Cette urgence est dictée par le calendrier des sanctions américaines : bien que le Trésor américain ait désigné ces entreprises comme « ressortissants spécialement désignés » le 22 octobre, bloquant leur accès au système financier US, de nouvelles restrictions entrent en vigueur le 21 novembre 2025.
Une économie sous perfusion chinoise
Les liens économiques entre Moscou et Pékin n’ont jamais été aussi étroits. En 2024, les échanges commerciaux sino-russes ont atteint le niveau record de 245 milliards de dollars. Fait marquant rapporté par Anton Siluanov : 99,1 % de ces règlements sont désormais effectués exclusivement en roubles et en yuans.
L’organisation de cette émission obligataire a été confiée aux banques Gazprombank, Sberbank et VTB Capital. Toutes trois sous sanctions occidentales, elles coteront ces obligations à la Bourse de Moscou, un marché qui demeure, pour l’heure, inaccessible à la grande majorité des investisseurs étrangers.
