Un coût financier qui alerte gouvernements et investisseurs
La transition numérique en Afrique constitue un moteur de croissance et d’inclusion, mais son revers est lourdement économique. Selon INTERPOL, plus de 30 % des crimes signalés en Afrique de l’Ouest et de l’Est en 2025 sont liés au cyberespace. Les pertes financières se chiffrent en centaines de millions de dollars, une menace directe pour la stabilité budgétaire des États et la confiance des investisseurs étrangers.
300 millions de dollars détournés en deux ans
Les opérations Serengeti, menées par INTERPOL et Afripol en 2024 et 2025, révèlent l’ampleur du phénomène : plus de 2 200 suspects arrêtés, des dizaines de milliers de victimes identifiées et près de 300 millions de dollars détournés par des cyberfraudes. Ces chiffres illustrent la sophistication croissante de la criminalité numérique et son poids sur l’économie formelle comme informelle.
Impact sur les entreprises et la chaîne de valeur
Les entreprises africaines subissent directement ces attaques. Le phishing et la fraude au président entraînent des transferts financiers frauduleux, tandis que les rançongiciels peuvent bloquer toute activité, provoquant des pertes de productivité et des interruptions de service majeures.
Au niveau macroéconomique, les exemples se multiplient. En 2023, l’attaque contre la plateforme gouvernementale kenyane eCitizen, utilisée pour plus de 5 000 démarches administratives, a paralysé l’administration et ralenti l’activité économique. En Afrique du Sud, l’attaque contre Transnet a eu un impact régional, perturbant la chaîne logistique portuaire et commerciale.
Une menace pour la croissance numérique et l’attractivité des marchés
La cybersécurité est désormais un facteur clé de compétitivité. Pour les investisseurs internationaux, le risque numérique est perçu comme un frein à l’expansion des services financiers digitaux, du mobile money et de l’e-gouvernement.
La fracture numérique aggrave le problème : selon la GSMA, seuls 27 % des habitants d’Afrique subsaharienne utilisaient l’internet mobile fin 2023, et près de 60 % des populations couvertes par le réseau n’avaient pas encore accès effectif à internet. Des millions de primo-utilisateurs accèdent donc au numérique sans formation préalable à la cybersécurité, augmentant les vulnérabilités systémiques.
Quelles réponses économiques et stratégiques ?
La lutte contre la cybercriminalité ne relève plus seulement de la technique, mais de la gouvernance économique. Plusieurs leviers apparaissent essentiels :
- Investissement dans la cybersécurité : former les collaborateurs et renforcer les infrastructures numériques pour protéger la compétitivité.
- Partenariats public-privé : mutualiser les coûts et partager les informations sur les menaces, notamment entre banques, télécoms et fintechs.
- Culture de la résilience : intégrer la cybersécurité dans les plans de continuité d’activité et la gestion des risques financiers.
- Coopération régionale : les opérations Serengeti montrent que seule une réponse coordonnée peut réduire les pertes économiques.
Une condition de la croissance africaine
La cybercriminalité en Afrique ne se limite pas à un enjeu technique : elle représente un risque systémique pour les économies, les entreprises et les marchés financiers. Sans investissements massifs dans la résilience numérique, la promesse de la révolution digitale africaine pourrait être freinée par un coût invisible mais croissant.
