Une nouvelle crise secoue l’industrie automobile mondiale. Le différend commercial opposant les Pays-Bas à la Chine autour du fabricant de puces Nexperia risque de provoquer une pénurie mondiale de semi-conducteurs. Ces composants, essentiels aux systèmes électroniques embarqués, sont au cœur de la production automobile moderne. En conséquence, plusieurs constructeurs, dont Volkswagen et Honda, annoncent des arrêts partiels de leurs lignes de production, tandis que les sous-traitants européens tirent la sonnette d’alarme.
Volkswagen tente de contenir la crise, mais l’incertitude demeure
Le groupe Volkswagen a déclaré avoir sécurisé sa production en Allemagne jusqu’au 30 octobre, mais reste sous pression. Le constructeur prévoit des arrêts temporaires de production pour ses modèles Golf et Tiguan à Wolfsburg, ainsi que pour ses véhicules électriques à Zwickau.
« Compte tenu de la situation dynamique, nous ne pouvons pas exclure un impact à court terme », a précisé un porte-parole du groupe à Reuters.
Face à la dépendance envers Nexperia, Volkswagen recherche activement des fournisseurs alternatifs. Les noms d’Infineon, NXP et Texas Instruments sont évoqués pour pallier le manque de composants critiques. Mais la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement demeure complexe et coûteuse.
Honda réduit sa production en Amérique du Nord
La crise ne se limite pas à l’Europe. En Amérique du Nord, Honda a confirmé une réduction de la production dans plusieurs usines, notamment à Marysville (Ohio), dès la semaine du 27 octobre.
« Nous faisons face à un problème d’approvisionnement en semi-conducteurs à l’échelle mondiale », a expliqué Chris Abbruzzese, représentant de Honda.
Les employés concernés ont été invités à utiliser leurs congés payés ou à prendre un congé sans solde. L’entreprise évoque une « situation fluide nécessitant une grande flexibilité ».
La Japan Automobile Manufacturers Association (JAMA) a, de son côté, averti que Toyota, Honda et Nissan pourraient subir de graves impacts sur leurs capacités de production si la crise persiste.
Les fournisseurs européens en alerte : Bosch et l’industrie en tension
En Europe, les sous-traitants tirent la sonnette d’alarme. Bosch, géant allemand des équipements automobiles, a annoncé qu’il pourrait recourir à des licenciements temporaires dans son usine de Salzgitter, qui emploie 1 400 personnes. Cette installation, essentielle à la production de unités de contrôle moteur, approvisionne directement Volkswagen dans le cadre d’une coentreprise sur les cellules de batteries.
« Nous faisons tout notre possible pour servir nos clients et minimiser les restrictions », a déclaré un porte-parole de Bosch, tout en confirmant la mise en place d’un plan de réduction du temps de travail.
Les rapports internes estiment que les fournisseurs européens ne disposent que de deux semaines de stock de puces, accentuant l’urgence.
Un impact structurel : 49 % des composants européens menacés
Selon l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), Nexperia fournit près de 49 % des composants électroniques utilisés dans les véhicules européens. Une rupture prolongée de cet approvisionnement pourrait donc paralyser l’ensemble du secteur automobile européen.
« Sans ces puces, les fournisseurs ne peuvent produire les pièces nécessaires aux chaînes d’assemblage », a averti l’ACEA.
Une escalade géopolitique entre La Haye et Pékin
La crise trouve son origine dans la décision du gouvernement néerlandais, fin septembre, de prendre le contrôle de Nexperia, invoquant des préoccupations de sécurité nationale liées au transfert de technologie vers sa société mère chinoise Wingtech.
En représailles, la Chine a imposé une interdiction des exportations des produits finis de Nexperia, coupant net l’approvisionnement vers les grands constructeurs mondiaux.
Cette tension s’inscrit dans un contexte plus large de rivalité technologique entre la Chine et les pays occidentaux, notamment autour du contrôle stratégique des semi-conducteurs. L’Alliance for Automotive Innovation, représentant les géants américains tels que General Motors et Ford, a déjà averti que la production automobile américaine pourrait être perturbée dès le mois prochain.
Une crise systémique au cœur de la transition électrique
Au-delà du différend commercial, cette crise met en lumière la vulnérabilité stratégique de l’industrie automobile mondiale face à la concentration de la production de semi-conducteurs.
Dans un contexte où les véhicules électriques et connectés nécessitent jusqu’à 3 000 puces électroniques chacun, la dépendance envers quelques fournisseurs critiques devient un risque systémique.
La situation actuelle pourrait ainsi accélérer les discussions sur une relocalisation partielle de la production de semi-conducteurs en Europe et en Amérique du Nord, dans le cadre des stratégies de souveraineté technologique adoptées par l’Union européenne et les États-Unis.
