Le chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), a dressé un tableau contrasté de la situation dans la région, lundi, devant le Conseil de sécurité. Mohamed Ibn Chambas a salué l’efficacité de la réponse apportée à la pandémie de Covid-19 et la bonne tenue des élections présidentielles dans cinq pays, regrettant en revanche que l’insécurité continue de régner dans la région.
« Je tiens à féliciter la CEDEAO et ses États membres pour leur gestion de la pandémie de Covid-19, qui a réussi à contenir les retombées, à soutenir les personnes vulnérables et à atténuer les perturbations économiques », a d’emblée déclaré M. Ibn Chambas, en référence à la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) rapporte l’ONU dans son bulletin quotidien.
Selon lui, face à la deuxième vague de la pandémie, il est plus important que jamais d’appliquer les leçons tirées en termes d’amélioration de la gouvernance et de la fourniture de services essentiels pour que les sociétés deviennent « plus compétentes, plus sûres et plus résistantes ».
« Cette résilience n’a jamais été autant mise à l’épreuve qu’au Sahel, où un climat de plus en plus instable a provoqué des inondations massives, touchant plus de 1,7 million de personnes et entraînant la destruction de maisons et de moyens de subsistance », a affirmé M. Ibn Chambas.
Malgré les efforts conjoint de la Force du G5 Sahel avec de multiples partenaires internationaux, dont la force française Barkhane, la force européenne Takuba, la Force multinationale interarmées et les armées nationales des pays du Sahel, l’insécurité « continue de régner et de nuire à des vies innocentes », a affirmé M. Ibn Chambas, lors de cette réunion à laquelle la Tunisie a notamment participé avec m. Tarek El Adab, représentant permanent de la Tunisie auprès de l’ONU indique le ministère des affaires étrangères à TAP.
« Après la saison des pluies, les militants ont de nouveau organisé des attaques audacieuses et meurtrières, notamment au Niger, où plus de 100 personnes sont mortes dans une seule agression il y a neuf jours », a précisé le Représentant spécial de l’ONU dans la région.
Il a regretté la propagation de l’insécurité vers des zones qui étaient « sûres », comme le nord-ouest du Nigéria, où les militants « sont de connivence avec les bandits et autres réseaux criminels ». Il a par ailleurs signalé que « 90% des incidents mondiaux de piraterie maritime et de détournements d’avions se produisent dans le golfe de Guinée ».
Cette insécurité aggrave la situation humanitaire, a-t-il expliqué, précisant qu’elle avait poussé cinq millions de personnes à fuir les violences, soit 1,4 million de plus qu’en 2019.
« Derrière ces chiffres, il y a des millions de vies humaines qui sont dévastées et des centaines de milliers d’enfants qui sont privés d’une éducation qui change la vie », a rappelé le Représentant spécial.
Une dizaine d’élections observées, malgré la Covid-19
Le chef de l’UNOWAS a évoqué la dizaine d’élections tenues à travers la région malgré la Covid-19, dont cinq élections présidentielles, trois législatives et deux locales.
« Malgré les contestations et les niveaux de violence inacceptables en Guinée et en Côte d’Ivoire, les scrutins se sont globalement bien déroulés », a estimé M. Ibn Chambas.
Il s’est notamment félicité des processus électoraux au Burkina Faso, au Ghana et au Niger, signalant que le dialogue entre les acteurs politiques burkinabès avait mené à l’acceptation du second mandat du Président Kaboré par l’opposition qui s’était aussi engagée « à travailler ensemble pour s’attaquer à la crise économique ».
« Je salue également le déroulement pacifique des élections générales au Niger le 27 novembre, qui doit inaugurer la toute première transition démocratique du pays d’un chef d’État élu à un autre », a déclaré M. Ibn Chambas, qui a appelé les Nigériens « à maintenir cette maturité politique » lors du deuxième tour de l’élection présidentielle prévu le 21 février prochain.
Au Ghana « qui a déjà une tradition de passation pacifique des pouvoirs », les élections ont été globalement pacifiques, a fait remarquer le Représentant spécial, signalant que les tribunaux s’attelaient actuellement à trancher les désaccords sur les résultats.
Bons offices, forums et autres efforts de soutien coordonnés
M. Ibn Chambas a souligné le soutien apporté à ces processus électoraux par son Bureau, y compris par le biais de forums de parties prenantes au Burkina Faso, au Ghana et au Niger, au cours desquels les candidats et les acteurs nationaux se sont engagés dans des processus pacifiques, contribuant ainsi à l’issue pacifique dans ces pays.
« J’ai également effectué plusieurs missions de bons offices en Guinée et en Côte d’Ivoire avant, pendant et après les élections », a expliqué le chef du Bureau régional de l’ONU en Afrique de l’Ouest et au Sahel, soulignant que ses efforts avaient été menés « main dans la main avec la CEDEAO, l’Union africaine et d’autres partenaires internationaux ».
En Côte d’Ivoire, le Représentant spécial s’est dit encouragé par la nomination d’un ministre de la Réconciliation nationale, par l’entame d’un dialogue national afin de restaurer la cohésion, ainsi que par l’annonce faite par le Front populaire ivoirien de se présenter aux prochaines élections législatives, qui doivent se tenir le 6 mars prochain.
M. Ibn Chambas a exhorté tous les acteurs politiques du pays à faire fi de leurs griefs personnels et à œuvrer à une véritable réconciliation pour « oublier les fantômes du passé » et « tourner une page décisive vers une Côte d’Ivoire unie et prospère ».
Il a exhorté les autorités nationales et les dirigeants politiques du Bénin à trouver un terrain d’entente pour que l’élection présidentielle prévue en avril soit plus inclusive que les élections législatives de 2019 qui avaient été entachées de violence.
La démocratie est un processus constant de délibération et de consultation
« Les élections sont des événements ponctuels, mais la démocratie est un processus constant de délibération et de consultation, et le dialogue est une arène importante pour la construction d’un consensus national », a continué M. Ibn Chambas, notant les efforts de construction d’un consensus menés en Mauritanie et en Guinée-Bissau.
Il a regretté les incidents meurtriers de violence politique et intercommunautaire en Guinée, soulignant que les élections avaient creusé les divisions, avant d’exhorter les Guinéens à s’engager sur la voie du dialogue.
Des défis multidimensionnels
Le chef de l’UNOWAS a indiqué que son Bureau travaille étroitement avec le G5 Sahel pour appuyer la mise en œuvre du Programme d’investissements prioritaires et renforcer la coopération régionale sur les questions sécuritaires, précisant que le Plan d’appui à la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel a commencé par ailleurs à devenir opérationnel.
S’agissant du programme « femmes, paix et sécurité », le Représentant spécial a indiqué avec satisfaction que des plans d’action ont été mis en place dans 14 des 16 pays de la région.
« Nous devons nous attaquer aux causes profondes trop bien connues de l’exclusion, renforcer la gouvernance démocratique et donner une impulsion nouvelle et décisive à la lutte contre l’insécurité », a conclu le Représentant spécial de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel devant le Conseil de sécurité.