Le système bancaire tunisien consolide sa résilience en 2024
Le Rapport Annuel sur la Supervision Bancaire 2024 publié par la Banque Centrale de Tunisie (BCT) dresse un bilan contrasté : solidité structurelle d’un côté, fragilités conjoncturelles de l’autre.
Dans un contexte de croissance limitée et d’investissement privé atone, le secteur bancaire tunisien a affiché une résilience remarquable, soutenue par des politiques prudentielles rigoureuses et un encadrement renforcé.
Le ratio de solvabilité global s’est établi à 14,4 %, le ratio Tier 1 à 11,7 %, tandis que le Liquidity Coverage Ratio (LCR) a dépassé les 223 %.
Le secteur a dégagé un résultat net global de 1,576 milliard de dinars, en hausse de 8,6 %, pour un Produit Net Bancaire (PNB) de 8,02 milliards de dinars. Cependant, la part des créances classées a progressé de 200 points de base, atteignant 14,5 % à fin 2024, révélant la vulnérabilité du tissu des PME et la lenteur du redressement économique.
Une croissance des dépôts plus rapide que celle du crédit
Les actifs bancaires totaux ont atteint 174,3 milliards de dinars, en progression de 8,5 % sur un an.
Les dépôts ont augmenté de 10,3 % à 114,6 milliards de dinars, contre une croissance plus modérée des crédits, limitée à 3,2 % pour un total de 109,9 milliards de dinars.
Cette dynamique confirme le déséquilibre structurel entre les ressources collectées et les besoins de financement du secteur productif, une tendance accentuée par la prudence des banques face au risque de crédit.
Leasing : solidité financière mais rentabilité en repli
Le secteur du leasing a poursuivi sa croissance, bien que modérée.
L’encours du crédit-bail a progressé à 4 447 MDT (+9,3 %), et les mises en force ont atteint 2 387 MDT.
Le produit net de leasing s’est élevé à 312 MDT, tandis que le résultat net a atteint 106 MDT.
Malgré un ratio de solvabilité de 16,1 % et un ROE de 13 %, le coefficient d’exploitation a légèrement augmenté à 39,5 %, traduisant une pression sur les marges.
La part des créances classées a reculé à 8,9 %, confirmant la bonne maîtrise du risque.
Factoring : une activité en contraction
Après une progression notable en 2023, le secteur du factoring a enregistré un repli de 27,5 % en 2024, avec un encours de 233 MDT.
Le produit net de factoring s’est néanmoins amélioré de 12,4 % à 27 MDT, tandis que le résultat net global a atteint 11 MDT.
La baisse des financements et la prudence du marché ont affecté la rentabilité, mais les acteurs du secteur demeurent bien capitalisés, avec 97 MDT de fonds propres et un coefficient d’exploitation de 34,3 %.
Boom des paiements digitaux : inclusion et pertes financières
Les établissements de paiement continuent de transformer le paysage financier tunisien. En 2024, le nombre de comptes de paiement a atteint 78 930, dont 30 % actifs, avec une explosion des transactions : 4,15 millions d’opérations pour un montant global de 1 632 MDT, en hausse de 305 % sur un an.
Cependant, la rentabilité reste fragile : le secteur a enregistré une perte nette de 17,3 MDT, contre 12,4 MDT en 2023, en raison de coûts technologiques élevés et d’une monétisation encore limitée.
Banques non résidentes : recul modéré des performances
Les banques non résidentes ont vu leur Produit Net Bancaire diminuer de 3,5 % à 103,9 MUSD, et leur résultat net baisser de 15,2 % à 32 MUSD. Malgré un coefficient d’exploitation maîtrisé (33,4 %), la contraction des gains sur portefeuille et sur change a réduit la rentabilité globale du segment.
Une stabilité consolidée malgré des risques persistants
Globalement, la BCT confirme que le système financier tunisien reste solide, liquide et bien capitalisé, mais soumis à des vulnérabilités structurelles :
- ralentissement du crédit privé,
- hausse du risque de défaut,
- exposition croissante au secteur public.
La Banque Centrale entend poursuivre la mise en conformité avec les standards de Bâle III, renforcer la résilience opérationnelle, et accélérer le verdissement du système financier.
L’adoption progressive des normes IFRS 9 et la révision du cadre prudentiel devraient permettre un alignement accru sur les standards internationaux d’ici 2026.
