Des avancées nationales contrastées
Au Maghreb, la cybersécurité n’est plus une option : elle est un impératif stratégique. Les États multiplient les efforts pour renforcer leurs infrastructures numériques, mais la vulnérabilité humaine demeure la principale faille.
Le Maroc illustre cette dynamique. En 2024, il a intégré le Tier 1 du Global Cybersecurity Index de l’Union internationale des télécommunications (UIT), rejoignant ainsi les pays considérés comme modèles. Ce classement est le fruit des initiatives menées par la Direction générale de la sécurité des systèmes d’information (DGSSI), qui a mis en place un cadre organisationnel et législatif robuste.
La Tunisie se positionne également parmi les pays les mieux classés de la région arabe, tandis que l’Algérie progresse mais reste en retrait, notamment sur le renforcement des capacités techniques et opérationnelles. Ces avancées traduisent une volonté politique affirmée, mais les défis persistent dans la mise en œuvre concrète des politiques de cybersécurité.
Les entreprises en première ligne face aux cyberattaques
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au Maroc, 62 % des PME déclarent avoir subi au moins une tentative de cyberattaque en 2024. Pourtant, seules 28 % disposent d’un plan de cybersécurité structuré (Abwab Solutions). Cette réalité reflète une vulnérabilité organisationnelle qui touche l’ensemble de la région.
Les cybercriminels exploitent avant tout le facteur humain. Phishing, rançongiciels, fraudes au président (Business Email Compromise), messages frauduleux sur WhatsApp ou Telegram : les attaques se perfectionnent et ciblent la crédulité ou l’inattention des collaborateurs. Un clic trop rapide ou une pièce jointe ouverte sans vérification peut suffire à compromettre tout un système.
L’humain : maillon faible ou premier rempart ?
La question n’est plus de savoir si une entreprise sera attaquée, mais quand. Dans ce contexte, l’humain peut être le maillon faible… ou le meilleur bouclier. Or, la formation reste souvent ponctuelle, générique et déconnectée des réalités professionnelles.
Selon Benoit Grunemwald, expert en cybersécurité chez ESET Afrique Francophone, « une sensibilisation régulière et ciblée peut réduire drastiquement le risque. Après un an de formations courtes et de simulations de phishing, le taux d’erreurs des employés chute de plus de 80 %. L’investissement dans le facteur humain est l’un des plus rentables en cybersécurité ».
Bonnes pratiques : transformer l’employé en défenseur numérique
Pour réduire les risques, plusieurs leviers concrets peuvent être mis en place :
- Former régulièrement avec des modules courts (30 à 60 minutes) axés sur les menaces fréquentes : phishing, fraudes financières, sécurité mobile.
- Organiser des simulations de phishing afin de tester et améliorer la vigilance des équipes.
- Simplifier les procédures de signalement, sans crainte de sanction, pour encourager les réflexes d’alerte.
- Communiquer en continu via newsletters, affiches et rappels intégrés aux outils de travail.
- Ancrer la cybersécurité dans la culture d’entreprise, en liant formation et performance collective.
La cybersécurité, un défi collectif
La cybersécurité au Maghreb ne se joue pas uniquement dans les centres de données ou les agences spécialisées. Elle se joue au quotidien dans les bureaux, les usines, les administrations, mais aussi sur les téléphones et messageries des employés.
Si les États progressent au niveau réglementaire et institutionnel, les entreprises doivent placer la sensibilisation au cœur de leur stratégie. Car un collaborateur formé et conscient vaut plus qu’un pare-feu : il devient le premier défenseur de l’organisation.
