Lors de la COP30 à Belém, au Brésil, une coalition de 82 pays répartis sur quatre continents a lancé un appel fort : l’élaboration d’une feuille de route mondiale et détaillée pour éliminer progressivement le charbon, le pétrole et le gaz naturel. Cette demande place la fin des combustibles fossiles au cœur des négociations climatiques de l’ONU, dans un contexte où la crédibilité des engagements climatiques mondiaux est de plus en plus scrutée.
L’initiative a pris de l’ampleur alors que le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva est intervenu personnellement pour pousser les négociateurs à aboutir à un accord avant la clôture du sommet vendredi.
Une coalition Nord-Sud inédite pour accélérer la transition énergétique
Menée par la Colombie, cette coalition inclut des pays clés comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Danemark, le Kenya ainsi que de nombreuses nations insulaires du Pacifique, parmi les plus menacées par l’élévation du niveau des mers.
Elle s’appuie sur l’accord historique de la COP28 de Dubaï, qui a marqué la première reconnaissance mondiale de la nécessité de « transitionner hors » des énergies fossiles.
Pour Ed Miliband, secrétaire britannique à l’Énergie :
« C’est une coalition du Nord et du Sud qui affirme d’une même voix qu’il s’agit d’un sujet impossible à ignorer. »
Cette alliance démontre pour la première fois une convergence stratégique entre pays développés, émergents et nations vulnérables.
Une absence américaine qui marque l’histoire
Fait marquant : les États-Unis, premier producteur mondial de pétrole et de gaz, n’ont pas rejoint la coalition.
L’administration Trump a même refusé d’envoyer une délégation fédérale, une première dans l’histoire des conférences climatiques.
Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, présent de manière indépendante, a dénoncé cette décision :
« Je viens avec humilité, en provenance des États-Unis. L’administration Trump a abandonné tout sens du devoir et de la responsabilité. »
Cette absence fragilise le leadership international américain sur le climat et renforce les divisions internes du pays.
Lobbies fossiles : un poids sans précédent sur la COP30
La COP30 se déroule sous l’influence croissante des acteurs de l’industrie fossile.
Plus de 1 600 lobbyistes pétroliers et gaziers ont été accrédités – soit un participant sur 25, un record absolu et 12 % de plus que l’an dernier.
La délégation fossile dépasse celles de tous les pays présents, à l’exception du Brésil, et est près de deux tiers plus importante que les délégations des dix pays les plus vulnérables réunis.
Pour Lien Vandamme, du Centre pour le droit environnemental international :
« Ceci n’est pas de la gouvernance climatique. C’est une capture corporative. »
Parmi les organisations représentées figurent des géants comme ExxonMobil, BP et TotalEnergies.
Les peuples autochtones, une présence historique malgré les pressions
Malgré ce contexte, la COP30 enregistre une participation autochtone sans précédent :
- 3 000 représentants autochtones présents,
- dont 1 000 impliqués dans les négociations officielles.
Plusieurs milliers de leaders autochtones ont même parcouru le fleuve Amazone pendant 25 jours pour établir un campement près du site des négociations.
Vendredi, ils ont bloqué l’accès principal pendant une heure pour exiger la fin des activités extractives menaçant leurs territoires.
Cette mobilisation constitue l’une des plus fortes démonstrations d’unité autochtone depuis 30 ans.
La réalité climatique : une trajectoire alarmante à l’horizon 2030
Selon Susana Muhamad, ancienne ministre colombienne de l’Environnement :
« Nous devions réduire les émissions mondiales de 42 % d’ici 2030, mais nous nous dirigeons vers une hausse de 16 %. »
Les projections actuelles montrent que les pays prévoient de produire 120 % de combustibles fossiles de plus que ce qui serait compatible avec l’objectif de 1,5 °C.
Cette divergence spectaculaire entre science et politiques menace la stabilité climatique mondiale.
Une feuille de route flexible mais indispensable
La coalition propose une feuille de route qui reconnaît les réalités et besoins nationaux :
- niveaux de dépendance aux énergies fossiles,
- contraintes économiques,
- impératifs de développement.
Ce n’est pas une approche uniformisée, souligne Rachel Kyte, envoyée britannique pour le climat :
« Chaque pays doit traverser sa propre transition. »
Le paradoxe brésilien : un leadership fragilisé
La ministre brésilienne de l’Environnement, Marina Silva, qualifie cette feuille de route de « réponse éthique » face à la crise climatique.
Pourtant, le Brésil fait face à une contradiction :
- il a récemment autorisé de nouvelles explorations pétrolières dans le delta de l’Amazone,
- et Petrobras a annoncé la découverte d’une nouvelle réserve.
Cette ambivalence questionne le rôle du pays hôte dans l’impulsion d’une transition cohérente.
