La Banque centrale de Russie a déclaré vendredi engager des poursuites judiciaires contre Euroclear, l’institution financière basée à Bruxelles, devant un tribunal de Moscou. Elle reproche à l’établissement de prendre des mesures qui entravent sa capacité à disposer librement de ses fonds et de ses titres.
Dans un communiqué officiel, la Banque de Russie affirme que « les mécanismes d’utilisation directe ou indirecte des avoirs de la Banque de Russie, ainsi que toute autre forme d’utilisation non autorisée, sont illégaux ». Elle invoque notamment une violation du principe d’immunité souveraine des avoirs d’État, reconnu par le droit international.
Un contentieux lié au gel des actifs russes en Europe
Cette annonce intervient dans un contexte européen particulièrement sensible. Les États membres de l’Union européenne doivent se prononcer sur une clause permettant de geler les actifs souverains russes aussi longtemps que nécessaire, sans devoir renouveler ce gel tous les six mois à l’unanimité. Cette évolution vise à éviter un blocage potentiel par des pays prorusses, dont la Hongrie.
Une grande partie des avoirs russes gelés en Europe depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par Moscou en février 2022 — environ 140 milliards d’euros — est conservée chez Euroclear. À ce stade, ni l’institution financière, ni la Commission européenne, ni le gouvernement belge n’ont réagi officiellement.
Les options européennes pour financer l’Ukraine
La Banque de Russie fait référence aux propositions présentées le 3 décembre par la Commission européenne afin de répondre aux besoins financiers de l’Ukraine en 2026 et 2027. Deux pistes sont à l’étude.
La première consiste à emprunter des liquidités auprès des institutions financières de l’UE détenant des actifs souverains russes, afin d’accorder un prêt à l’Ukraine. Kyiv ne serait tenue de rembourser ce prêt que si la Russie versait des réparations. La seconde option repose sur un emprunt communautaire de l’Union européenne.
Le recours à l’article 122 du traité européen
Les propositions de la Commission seront examinées par les chefs d’État et de gouvernement lors du Conseil européen des 18 et 19 décembre à Bruxelles. En attendant, les ambassadeurs des Vingt-Sept espèrent s’accorder sur le recours à l’article 122 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Cet article permet l’adoption de mesures économiques d’urgence par un vote à la majorité qualifiée, ouvrant la voie à un gel indéfini des actifs russes, estimés à près de 200 milliards d’euros.
Paris assume un gel prolongé des avoirs russes
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a confirmé cette orientation sur franceinfo :
« Aujourd’hui, les Européens vont décider de priver la Russie des actifs placés en Europe — 200 milliards d’euros — aussi longtemps que nécessaire, jusqu’à ce que la Russie cesse sa guerre d’agression et verse des réparations à l’Ukraine. »
Il a ajouté que les Européens ne souhaitent « laisser personne décider à leur place » et assument le blocage prolongé de ces sommes.
Moscou menace d’une riposte judiciaire internationale
Les autorités russes ont averti à plusieurs reprises que la mise en œuvre d’un « prêt de réparation » entraînerait « la réaction la plus sévère ». La Banque centrale de Russie a confirmé vendredi qu’un tel projet serait contesté devant les tribunaux nationaux, les juridictions d’États étrangers, les organisations internationales, ainsi que les tribunaux arbitraux et autres instances judiciaires internationales.
