Un signal fort envoyé au secteur bancaire
En publiant la circulaire n°2025-17 du 22 décembre 2025, la Banque Centrale de Tunisie (BCT) franchit une nouvelle étape dans le durcissement du cadre prudentiel et de conformité du secteur bancaire. Le texte renforce les exigences en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (LBA), le financement du terrorisme (FT) et introduit explicitement le financement de la prolifération des armes de destruction massive, un champ jusqu’ici peu formalisé.
Pour la BCT, l’enjeu est double : réduire le risque systémique et renforcer la crédibilité internationale du système financier tunisien.
Une cartographie des risques désormais stratégique
Les banques et établissements financiers sont désormais tenus de mettre en place une évaluation formalisée et documentée des risques, intégrant :
- la structure de la clientèle,
- les produits et services financiers,
- les canaux digitaux,
- les expositions géographiques et juridictionnelles.
Cette cartographie doit être mise à jour au minimum tous les trois ans, ou plus tôt en cas de changement réglementaire ou de modification du profil de risque. Pour les acteurs du marché, cette obligation transforme la gestion LBA/FT en outil stratégique de pilotage des risques, au même titre que le risque de crédit ou de liquidité.
Intégration du risque de prolifération : un alignement international
La circulaire consacre l’intégration du financement de la prolifération dans le périmètre de conformité bancaire. Toute défaillance dans l’application des sanctions financières onusiennes est désormais considérée comme un risque majeur.
Concrètement, les établissements doivent assurer :
- le gel immédiat des avoirs concernés,
- l’interdiction totale de mise à disposition de fonds aux entités sanctionnées.
Cette évolution rapproche la Tunisie des standards du GAFI et répond aux attentes des partenaires financiers internationaux.
Gouvernance, contrôle interne et relations internationales
La BCT renforce également la gouvernance des dispositifs de conformité. Les banques doivent évaluer régulièrement leur système LBA/FT, notamment via :
- des questionnaires internes normalisés,
- ou le questionnaire du Wolfsberg Group, souvent exigé par les correspondants bancaires étrangers.
L’intégration des règles LBA/FT dans le code de déontologie renforce la responsabilité des organes dirigeants et du top management, un point clé pour la notation de conformité internationale.
Reporting, transparence et pression réglementaire accrue
Sur le plan opérationnel, la circulaire introduit :
- l’obligation de déclaration immédiate des opérations suspectes via goAML,
- un reporting trimestriel obligatoire des avoirs gelés, à transmettre dans un délai de 20 jours ouvrables après chaque trimestre,
- une notification sous 5 jours à la BCT de toute désignation du correspondant CTAF.
À la clôture annuelle, les banques devront également fournir des statistiques détaillées sur les déclarations de soupçon, les montants concernés et les typologies de risques identifiées.
Un impact direct sur les coûts et l’organisation des banques
Pour les établissements financiers, ces nouvelles exigences impliquent :
- des investissements supplémentaires en conformité et systèmes d’information,
- un renforcement des équipes de contrôle interne,
- une traçabilité accrue des opérations sensibles.
À moyen terme, la BCT parie sur un effet positif sur la solidité et l’attractivité du secteur bancaire tunisien, notamment vis-à-vis des investisseurs et partenaires étrangers.
Une entrée en vigueur immédiate
La circulaire est applicable dès le 22 décembre 2025, sans phase transitoire, plaçant les banques face à une obligation d’adaptation rapide.
