Le secteur bancaire tunisien s’apprête à traverser une période particulièrement délicate en 2025. Selon une analyse approfondie de Tunisie Valeurs, l’intermédiaire en bourse de référence, l’année qui s’ouvre présente des défis considérables pour les établissements financiers du pays. Cette perspective pessimiste s’appuie sur plusieurs facteurs convergents qui menacent la rentabilité et la croissance du secteur.
L’environnement conjoncturel tendu constitue le premier défi majeur. Les banques tunisiennes doivent désormais évoluer dans un contexte économique national fragile, marqué par des incertitudes persistantes qui pèsent sur l’activité économique générale. Cette situation se traduit mécaniquement par une prudence accrue des établissements bancaires et une sélectivité renforcée dans l’octroi de crédits.
Impact de la baisse des taux d’intérêt sur la rentabilité bancaire
La baisse attendue des taux d’intérêt représente un enjeu crucial pour la rentabilité des banques tunisiennes en 2025. Cette évolution monétaire, bien qu’elle puisse stimuler l’activité économique, menace directement les marges d’intérêt des établissements bancaires. Les banques tunisiennes, dont le modèle économique repose largement sur l’intermédiation financière traditionnelle, voient ainsi leur principale source de revenus sous pression.
Cette compression des marges intervient dans un contexte où le secteur bancaire tunisien peine déjà à maintenir sa croissance. Les institutions financières devront donc faire preuve d’innovation et d’adaptation pour compenser cette érosion de leurs revenus traditionnels, notamment en développant de nouveaux produits et services générateurs de commissions.
Durcissement fiscal et nouvelles contraintes réglementaires
Le durcissement fiscal imposé par les autorités tunisiennes ajoute une pression supplémentaire sur les résultats des banques. Cette mesure, qui s’inscrit dans la stratégie d’assainissement des finances publiques, réduit mécaniquement la rentabilité nette des établissements bancaires. Parallèlement, les exigences prudentielles accrues, notamment matérialisées par la nouvelle loi sur les chèques, renforcent les contraintes opérationnelles du secteur.
Ces nouvelles réglementations, bien qu’elles visent à renforcer la stabilité du système financier, imposent aux banques des coûts supplémentaires de mise en conformité et de gestion des risques. La nouvelle loi sur les chèques, en particulier, modifie substantiellement les procédures bancaires et nécessite des investissements significatifs en termes de systèmes d’information et de formation.
Analyse des performances du premier trimestre 2025
Les chiffres du premier trimestre 2025 des banques cotées confirment les craintes exprimées par Tunisie Valeurs concernant le ralentissement du secteur bancaire tunisien. Le Produit Net Bancaire (PNB) agrégé n’a progressé que de 2,1% en glissement annuel, une performance particulièrement modeste qui reflète les difficultés structurelles du secteur.
Cette croissance limitée du PNB contraste fortement avec l’évolution des charges opératoires, qui ont bondi de 6,6% sur la même période. Cette divergence révèle une dégradation mécanique de la productivité du secteur bancaire, un indicateur préoccupant pour la rentabilité future des établissements. L’inflation des coûts opérationnels, combinée à la stagnation relative des revenus, dessine un tableau inquiétant pour l’année 2025.
Dynamiques contrastées entre collecte et crédit
L’analyse des activités bancaires révèle des dynamiques particulièrement contrastées entre la collecte de dépôts et l’octroi de crédits. L’activité de collecte maintient une dynamique positive remarquable, avec une croissance de 9,3% en glissement annuel de l’encours agrégé des dépôts du secteur bancaire coté. Cette performance témoigne de la confiance maintenue des déposants envers le système bancaire tunisien.
À l’inverse, l’activité crédit révèle une morosité préoccupante. La progression de l’encours agrégé des crédits se limite à 1,6% en glissement annuel, une croissance particulièrement timide qui reflète la prudence accrue des banques et la faiblesse de la demande de crédit. Cette asymétrie entre collecte et crédit pose des défis significatifs en termes de gestion de la liquidité et d’optimisation du bilan bancaire.
Vigilance renforcée face au risque crédit
Dans ce contexte économique complexe, Tunisie Valeurs souligne l’impératif d’une vigilance accrue face au risque crédit. Les banques tunisiennes doivent impérativement intensifier leurs efforts de recouvrement selon trois dimensions stratégiques : le recouvrement commercial, le recouvrement dynamique et le recouvrement contentieux.
Cette approche multidimensionnelle du recouvrement devient essentielle pour préserver la qualité des portefeuilles de crédit et maintenir la rentabilité dans un environnement dégradé. L’intermédiaire en bourse plaide pour une gestion proactive et prudente du portefeuille de crédits, seule approche permettant aux banques de réduire leur coût net du risque tout en faisant face à l’alourdissement de la pression fiscale.
Vers une nouvelle normalité du secteur bancaire tunisien
L’analyse de Tunisie Valeurs dessine les contours d’une nouvelle normalité pour le secteur bancaire tunisien, caractérisée par un ralentissement structurel de la croissance. Cette transformation profonde nécessite une adaptation stratégique des établissements bancaires, qui doivent repenser leurs modèles économiques et leurs approches commerciales.
Dans ce contexte, la sélection des valeurs bancaires les plus solides devient essentielle pour les investisseurs. Tunisie Valeurs recommande ainsi de sous-pondérer le secteur bancaire dans les portefeuilles d’investissement, privilégiant une approche sélective face aux défis structurels du secteur.
Bilan contrasté des performances 2024
Les résultats de 2024 offrent un éclairage nuancé sur la situation du secteur bancaire tunisien. Selon l’analyse de Tunisie Valeurs, les performances ont été globalement de bonne qualité, particulièrement en ce qui concerne la croissance bénéficiaire, la solidité bilancielle et la politique de dividende. Ces éléments positifs témoignent de la résilience fondamentale du système bancaire tunisien.
Cependant, le bilan apparaît moins satisfaisant concernant la qualité du portefeuille de crédit et la productivité opérationnelle. Ces faiblesses structurelles constituent des défis majeurs pour l’année 2025 et au-delà. Selon la Bourse de Tunis, les 12 banques cotées ont réalisé un résultat global de 1 683 millions de dinars au 31 décembre 2024, soit une progression de 8,4% par rapport à 2023, démontrant une certaine capacité de résistance malgré les difficultés.
Perspectives et recommandations stratégiques
Face à ces défis multiples, les banques tunisiennes doivent adopter une stratégie d’adaptation proactive. L’optimisation des coûts opérationnels, l’amélioration de la productivité, et le renforcement de la gestion des risques constituent les priorités stratégiques pour naviguer dans cet environnement difficile.
Les agences de notation internationales, qui couvrent les banques tunisiennes, anticipent déjà une contraction de la masse bénéficiaire du secteur pour 2025, malgré une amélioration du profil de risque portée par le récent relèvement de la note souveraine de la Tunisie. Cette prévision souligne l’ampleur des défis à relever pour maintenir la rentabilité du secteur bancaire tunisien.
