Le déficit de la balance commerciale tunisienne a connu une dégradation significative à fin mai 2025, atteignant 8 367,2 millions de dinars (MD). Ce chiffre représente une augmentation alarmante de 30,5 % par rapport aux 6 409,8 MD enregistrés à la même période en 2024. Cette détérioration s’accompagne d’une baisse du taux de couverture des importations par les exportations, qui s’établit désormais à 76,2 %, contre 80,7 % durant les cinq premiers mois de 2024. Ces données, issues de la note de l’Institut National de la Statistique (INS) sur le commerce extérieur, soulignent une vulnérabilité croissante de l’économie tunisienne face aux déséquilibres de ses échanges internationaux.
Des secteurs clés impactés par le déséquilibre
L’aggravation du déficit commercial est principalement imputable à certains secteurs stratégiques. Le secteur de l’énergie contribue le plus lourdement à ce déséquilibre, avec un déficit de 4 332,5 MD. Viennent ensuite les matières premières et demi-produits (-2 895,3 MD), les biens d’équipement (-1 382,8 MD) et les biens de consommation (-500,9 MD). À l’inverse, le secteur de l’alimentation se distingue positivement, affichant un excédent de 744,2 MD, ce qui témoigne d’une résilience de ce segment face à la conjoncture. Il est important de noter que hors énergie, le déficit commercial se réduirait significativement à 4 034,7 MD, soulignant le poids prépondérant des importations énergétiques dans la balance commerciale. Bien que le déficit énergétique seul reste élevé à 4 332,5 MD, il marque tout de même un léger repli par rapport aux 4 974,7 MD de la même période en 2024.
Tendances des exportations et importations : Une dynamique contrastée
Stabilité des exportations, mais des disparités sectorielles
Entre janvier et mai 2025, les exportations tunisiennes ont affiché une croissance marginale de 0,3 %, atteignant 26 831,5 MD. Cette légère progression est le fruit de performances contrastées au sein des différents secteurs. Les industries extractives, notamment les mines, phosphates et dérivés, ont enregistré une forte croissance de +12,9 %. Les industries mécaniques et électriques (+6,4 %) et le textile-habillement et cuir (+2 %) ont également contribué positivement à ce maintien.
Cependant, cette performance globale masque des reculs importants dans d’autres domaines. Les exportations du secteur de l’énergie ont subi une chute drastique de 30,7 %, principalement en raison d’une baisse significative des ventes de produits raffinés (150,1 MD contre 788,3 MD en 2024). De même, les exportations agroalimentaires ont diminué de 18,5 %, une régression largement attribuée à la baisse des ventes d’huile d’olive (2 117,3 MD contre 2 977,1 MD).
Forte hausse des importations, signe d’une possible reprise économique
Les importations tunisiennes ont, quant à elles, enregistré une hausse notable de 6,1 %, s’établissant à 35 198,7 MD. Cette croissance est principalement tirée par les biens d’équipement (+22,2 %) et les matières premières et demi-produits (+8,4 %). Cette augmentation des importations de biens d’équipement et de matières premières pourrait être interprétée comme un signe encourageant d’une reprise de l’investissement et de la production industrielle en Tunisie. Les importations de biens de consommation sont également en hausse (+14,7 %), reflétant potentiellement une demande intérieure accrue. À noter, une baisse encourageante des importations de produits énergétiques (-16,9 %) et alimentaires (-1,9 %), ce qui pourrait alléger la pression sur la balance commerciale à long terme.
Partenaires commerciaux : Une cartographie des échanges
Les relations avec l’Union Européenne
L’Union européenne (UE) demeure le principal partenaire commercial de la Tunisie, représentant 70,3 % du total des exportations. Les exportations vers l’UE ont légèrement augmenté pour atteindre 18 866,6 MD, contre 18 799,7 MD à fin mai 2024. Des hausses significatives ont été enregistrées avec l’Allemagne (+16,9 %), la France (+3,4 %) et les Pays-Bas (+13,5 %). Cependant, la Tunisie a vu ses exportations diminuer vers l’Italie (-6,5 %) et l’Espagne (-30,8 %), nécessitant une diversification des destinations au sein même du bloc européen.
Côté importations, l’UE représente 43,9 % du total, avec un volume de 15 466,8 MD contre 14 659,6 MD l’an dernier. Les importations ont augmenté en provenance de la France (+13 %), de l’Italie (+3,2 %) et de l’Allemagne (+9,9 %). Par contre, elles ont reculé avec la Grèce (-29,1 %) et la Belgique (-2,8 %).
Dynamisme des échanges avec les pays arabes et asiatiques
Les échanges avec les pays arabes affichent une dynamique très positive pour les exportations. Des bonds importants ont été observés vers la Libye (+25,1 %), le Maroc (+41 %), l’Algérie (+25 %) et l’Égypte (+60 %). Ces chiffres soulignent le potentiel de croissance du commerce intra-régional pour la Tunisie.
En dehors de l’UE, les importations en provenance de la Chine ont connu une augmentation spectaculaire de 42,7 %, et celles de Turquie de 18,1 %. Ces chiffres confirment l’importance croissante de ces deux pays comme fournisseurs de la Tunisie. À l’inverse, les importations ont diminué avec la Russie (-19,4 %) et l’Ukraine (-14,6 %), probablement en raison des tensions géopolitiques persistantes.
Quel avenir pour la balance commerciale tunisienne ?
La détérioration du déficit commercial tunisien à fin mai 2025 met en lumière les défis structurels auxquels l’économie est confrontée. Si la hausse des importations de biens d’équipement et de matières premières peut augurer une reprise de l’activité, la dépendance énergétique et la volatilité des exportations agricoles et énergétiques restent des points de vulnérabilité. Pour inverser cette tendance, la Tunisie devra poursuivre ses efforts de diversification économique, de promotion des exportations à forte valeur ajoutée et d’amélioration de sa compétitivité. Des politiques visant à réduire la dépendance énergétique et à stabiliser les productions agricoles pourraient également jouer un rôle crucial dans la résorption de ce déficit.
