L’économie tunisienne à la croisée des chemins : comment briser le cercle de la rente

Date:

L’économie tunisienne reste piégée dans un modèle de rente qui bride la productivité, l’innovation et l’investissement. Selon l’Institut Tunisien des Études Stratégiques (ITES), plus de la moitié des secteurs sont verrouillés, empêchant l’émergence d’une véritable concurrence et d’une croissance inclusive.

L’économie tunisienne traverse une phase critique où la croissance, l’emploi et l’innovation restent bridés par un modèle fondé sur la rente et les privilèges. D’après l’Institut Tunisien des Études Stratégiques (ITES), plus de 50 % de l’économie nationale opère encore dans des secteurs fermés ou hautement régulés. Cette situation génère une concentration des richesses, entretient les inégalités et freine la compétitivité globale du pays.

La Loi d’investissement de 2016, longue de 222 pages et contenant 243 régimes d’autorisations, symbolise ce labyrinthe administratif qui dissuade les entrepreneurs et décourage les investisseurs. Les délais pour obtenir certaines licences peuvent atteindre un à deux ans, aggravant le décrochage des PME et startups innovantes.

Un manque à gagner économique majeur

Selon les estimations de l’ITES, l’économie de rente coûte chaque année à la Tunisie 5 % de productivité du travail et environ 50 000 emplois. Une ouverture réelle des marchés et une meilleure application des lois anti-cartels pourraient générer une croissance supplémentaire du PIB de 4,5 % par an.

Ces pertes proviennent de plusieurs sources :

  • Rentes foncières et immobilières, via la spéculation et les transferts de terrains à prix sous-évalués.
  • Rentes financières, liées à l’accès privilégié au crédit bancaire et aux subventions publiques.
  • Rentes institutionnelles, favorisées par des régulations sur mesure, le clientélisme et la faiblesse des contrôles.

Un système institutionnel verrouillé

L’ITES pointe la faiblesse du Conseil de la concurrence, manquant de moyens humains et d’indépendance, ainsi que des sanctions peu dissuasives malgré des peines prévues allant jusqu’à un an de prison.
Le rapport souligne également le rôle ambivalent de l’État : garant de l’équité en théorie, mais souvent acteur d’un interventionnisme sélectif en pratique.

Les entreprises publiques, omniprésentes dans les secteurs de l’énergie, du transport et de la construction, concentrent des ressources considérables malgré une productivité inférieure à celle du privé. Cette domination freine la modernisation du tissu productif et empêche l’émergence de nouvelles filières à forte valeur ajoutée.

Des effets sociaux et territoriaux profonds

L’économie de rente accentue les inégalités sociales et régionales, fragilisant la classe moyenne, moteur traditionnel de la stabilité et de la consommation.
Le rapport de l’ITES note qu’elle alimente la désillusion sociale et le développement du secteur informel, qui échappe à la fiscalité et sape la compétitivité nationale.

Les rentes administratives, associées à la lenteur des procédures et à l’opacité des décisions publiques, créent un climat défavorable à l’investissement.
Les coûts administratifs représentent à eux seuls 20 à 30 % du coût total d’un investissement pour un nouveau projet en Tunisie.

Réformes prioritaires pour une croissance durable

L’étude propose une stratégie à huit axes pour démanteler le système rentier et restaurer la confiance économique :

  1. Promouvoir une concurrence réelle et assainie : indépendance du Conseil de la concurrence, registre public des aides d’État, sanctions contre les cartels.
  2. Garantir la contestabilité des marchés : simplification des procédures d’accès et lutte contre le clientélisme.
  3. Refondre le système fiscal : suppression des niches injustifiées, fiscalisation accrue des rentes foncières, numérisation de l’administration.
  4. Réorienter la politique d’investissement : recentrage sur les secteurs innovants et les régions défavorisées.
  5. Améliorer la gouvernance et la transparence : open data budgétaire, publication des bénéficiaires des marchés publics.
  6. Réformer le système bancaire : développement de la microfinance et équité dans l’accès au crédit.
  7. Accélérer la numérisation administrative : guichets uniques en ligne et traçabilité des procédures.
  8. Renforcer la formation et le capital humain : transparence dans les recrutements publics et adaptation aux besoins des secteurs émergents.

Inspiration internationale : Chili, Maroc et Rwanda en modèles

Le rapport de l’ITES s’inspire de plusieurs réussites internationales.

  • Au Chili, le portail ChileCompra en open data a réduit la corruption et dynamisé la concurrence.
  • Au Rwanda, la création de zones économiques inclusives a favorisé l’entrepreneuriat régional.
  • Au Maroc, la réforme du secteur bancaire a amélioré la transparence et élargi l’accès au financement.

Ces expériences prouvent qu’une refonte institutionnelle, appuyée sur la transparence et la responsabilité, peut transformer en profondeur les économies rentières.

Vers une Tunisie compétitive et inclusive

Pour l’ITES, rompre avec la rente n’est pas un choix mais une nécessité stratégique.

La Tunisie doit activer simultanément la réforme fiscale, la numérisation de l’administration, la transparence des marchés publics et la décentralisation économique.
L’objectif : libérer le potentiel entrepreneurial, protéger la classe moyenne et stimuler l’innovation.

Sans réforme structurelle, avertit le rapport, la persistance du modèle rentier condamnerait le pays à une croissance faible, un chômage durable et une perte de compétitivité internationale.

Partager l'article:

Articles Recents

S'abonner

VIDÉOS SPONSORISÉES
VIDÉOS SPONSORISÉES

00:00:30

OPPO Reno12 : L’Alliance Parfaite entre Design, Intelligence Artificielle et Performance

Les séries Reno12 d'OPPO marquent une avancée significative dans le domaine de la photographie mobile grâce à l'intégration poussée de l'intelligence artificielle.
00:02:15

Abdelaziz Makhloufi, PDG de Cho Group, met en lumière l’excellence de l’huile d’olive tunisienne sur BFM Business

Fort de son expertise reconnue dans le secteur oléicole, Abdelaziz Makhloufi, Président-directeur général du groupe Cho, a saisi l'opportunité de l'émission BFM Business pour promouvoir l'huile d'olive tunisienne à l'échelle internationale.
00:00:32

Lancement du nouveau Huawei Nova Y61

Huawei Consumer Business Group annonce le lancement du HUAWEI nova Y61, le plus récent smartphone de la série HUAWEI nova Y.

CONTENUS SPONSORISÉS
CONTENUS SPONSORISÉS

Ramadan : Un Mois Propice pour rompre avec la cigarette

Le mois sacré de Ramadan offre une opportunité unique pour ceux qui désirent se libérer de l'emprise de la cigarette.

OPPO A78, le nouveau smartphone bientôt en Tunisie

OPPO, la marque leader sur le marché mondial des appareils connectés, vient d’annoncer l’arrivée sur le marché tunisien de son dernier smartphone A78, à partir du 1er septembre 2023.
00:03:27

OPPO Tunisie lance les nouveaux smartphones Reno8 T 4G, Reno8 T 5G, un design élégant et une fluidité totale

OPPO vient d’annoncer le lancement, en Tunisie, de ses derniers modèles de smartphones de la série Reno, les nouveaux Reno8 T et Reno8 T 5G, avec une offre spéciale durant tout le mois de mars 2023.

Oppo consolide sa position et met en avant la nouvelle technologie de son Reno7

OPPO, la marque internationale leader dans l’industrie des smartphones et des objets connectés, a développé ces dernières années sa position et ses activités en Tunisie, dans le cadre d’une extension sur les marchés de la région Moyen Orient et Afrique.

A lire également
A lire également

Pourquoi l’action Tuninvest SICAR grimpe : la société apporte des précisions au CMF

Tuninvest SICAR détaille les raisons de la hausse de son action, soulignant le rôle des dividendes de Nouvelair et la progression de ses revenus au 30 septembre 2025.

OneTech Holding franchit une étape stratégique décisive vers la scission de ses pôles

OneTech Holding officialise la scission de ses pôles Mécatronique et Câbles. EY Parthenon, MAC SA et Tunisie Valeurs piloteront l’étude stratégique, opérationnelle et financière, avec un rapport final attendu avant fin T1 2026.

La Tunisie mise sur l’innovation agricole avec des avantages pouvant atteindre 50% de l’investissement

La loi sur l’investissement tunisienne accorde jusqu’à 50% d’avantages aux projets technologiques. Une mesure stratégique pour attirer les startups et soutenir l’agriculture intelligente face aux défis climatiques et environnementaux.

L’OCDE maintient une croissance mondiale de 3,2 % malgré les tensions commerciales

L’OCDE maintient ses prévisions de croissance mondiale à 3,2 % pour 2025, portée par l’essor de l’IA et une résilience économique inattendue, malgré la hausse des droits de douane et les perturbations du commerce mondial.

Matières premières : les prix attendus en 2026 à leur plus bas niveau depuis six ans, selon la Banque mondiale

La Banque mondiale prévoit une chute historique des prix des matières premières en 2026, portée par un excédent pétrolier massif et un ralentissement de la demande mondiale. Si cette baisse réduit l’inflation, elle s’accompagne de risques géopolitiques et climatiques croissants.

Rejet de l’article 50 : un recul sérieux pour la justice fiscale, selon l’Observatoire tunisien de l’économie

L’Observatoire tunisien de l’économie dénonce le rejet de l’article 50 sur l’impôt sur la fortune, estimant qu’il compromet la redistribution et l’élargissement de l’assiette fiscale dans un pays où 10 % des plus riches détiennent 58 % de la richesse.

Tetra Pak nomme Haithem Debbiche Directeur Général Maghreb & Afrique de l’Ouest

Tetra Pak confie la direction Maghreb & Afrique de l’Ouest à Haithem Debbiche, cadre expérimenté et spécialiste de la région. Sa mission : renforcer les partenariats, stimuler l’innovation et accélérer le développement des solutions alimentaires sûres.

Tunisie : excédent budgétaire inédit de 655 MD à fin septembre 2025

L’État tunisien clôture septembre 2025 avec un excédent budgétaire de 655 MD, porté par une hausse de 6,9 % des ressources publiques et une progression limitée des dépenses. Les recettes fiscales ont atteint 33,4 milliards de dinars.