Le 2 avril 2025, le président des États-Unis a annoncé l’instauration de tarifs douaniers additionnels sur l’ensemble des importations, dans l’objectif affiché de réduire le déficit commercial américain. Cette mesure inclut une surtaxe générale de 10 %, mais aussi des taux différenciés selon les pays d’origine. Dans ce contexte, la Tunisie se voit appliquer un tarif punitif de 28 %, soit le cinquième plus élevé de toute la région MENA.
Bien que cette décision ait été annulée par la Cour du commerce international le 28 mai 2025, la Cour d’appel fédérale a suspendu ce jugement, maintenant provisoirement la surtaxe en vigueur jusqu’à une décision finale attendue le 31 juillet 2025.
Un commerce tuniso-américain en plein essor… menacé par la surtaxe
Entre 2020 et 2024, les exportations tunisiennes vers les États-Unis ont bondi de 144 %, générant un excédent commercial de 215,8 millions de dinars en 2024. Les États-Unis sont aujourd’hui le sixième importateur de produits tunisiens, représentant plus de 3 % de la valeur totale des exportations tunisiennes.
Cette dynamique positive est désormais compromise par la nouvelle politique commerciale américaine, qui risque de porter un coup dur à plusieurs secteurs clés, en premier lieu l’industrie de l’huile d’olive.
Huile d’olive : un pilier stratégique en péril
Le secteur des « graisses, huiles et cires », largement dominé par l’huile d’olive, représente 59 % des exportations tunisiennes vers les États-Unis. L’huile d’olive à elle seule constitue 99,6 % de cette catégorie.
Les États-Unis sont à la fois :
- Le troisième marché d’exportation de l’huile d’olive tunisienne,
- Et la Tunisie est son troisième fournisseur, couvrant 15 % de ses importations, derrière l’Espagne et l’Italie.
Cependant, la surtaxe de 28 % rend la Tunisie nettement moins compétitive que d’autres exportateurs, comme :
- L’Union européenne (surtaxe à 20 %),
- La Turquie, l’Argentine ou encore le Maroc, également mieux traités.
Autre effet indirect redouté : si l’Espagne et l’Italie, également visées par les droits de douane, réduisent leurs exportations vers les États-Unis, elles pourraient aussi réduire leurs achats en vrac d’huile d’olive tunisienne, impactant doublement les producteurs tunisiens.
D’autres secteurs à risque : les engrais
Outre l’huile d’olive, le secteur des engrais figure aussi parmi les exportations concernées par la mesure. Les revenus issus de ces produits sont eux aussi exposés à une baisse significative, risquant d’aggraver la vulnérabilité économique du pays.
Compétitivité menacée et dépendance inquiétante
Comparée à d’autres pays émergents bénéficiant de tarifs préférentiels, la Tunisie subit un net désavantage tarifaire. Ce contexte de guerre commerciale souligne l’urgence de revoir notre dépendance excessive à un nombre restreint de marchés.
La spécialisation tunisienne, notamment dans l’huile d’olive, s’avère aujourd’hui être un point de faiblesse. Une telle concentration expose directement les recettes nationales aux chocs géopolitiques ou réglementaires imposés de l’extérieur.
Diversification des débouchés : une stratégie impérative
Face à cette situation, l’auteure du rapport appelle à une diversification urgente des marchés d’exportation, notamment vers :
- Les pays avec lesquels la Tunisie enregistre un déficit commercial,
- Les marchés émergents en Afrique et en Asie, très prometteurs pour les produits agroalimentaires, en particulier l’huile d’olive.
À plus long terme, une stratégie structurelle s’impose : réduire la dépendance aux marchés dominants, renforcer l’autonomie commerciale du pays, et développer une véritable souveraineté économique en réduisant aussi les importations stratégiques.
Un virage économique à ne pas rater
La surtaxe américaine de 28 % marque un tournant économique pour la Tunisie. Au-delà de l’effet immédiat sur les recettes d’exportation, elle met en lumière une fragilité structurelle de l’économie tunisienne face aux pressions extérieures. Il est désormais crucial de transformer cette crise en levier stratégique, pour bâtir une économie plus résiliente, diversifiée et souveraine.