Allemagne : Après six mois de négociations, tournant expansionniste ?

  • Après six mois de négociations, du jamais vu, la chancelière Angela Merkel a réussi, en mars, à prolonger la grande coalition entre la CDU/CSU et le SPD.
  • Malgré une croissance économique proche de son potentiel, la politique budgétaire sera très expansionniste dans les années à venir.
  • L’investissement dans les infrastructures numériques et l’éducation est l’un des aspects positifs du programme.
  • Cependant, les nouvelles promesses concernant les retraites risquent de compromettre la stabilité des finances publiques sur le long-terme.
  • Même si un renforcement de la zone euro reste nécessaire aux yeux de la Chancelière Merkel, les moyens d’y parvenir sont peu détaillés et un certain conservatisme prédomine. Aucun bouleversement n’est à attendre sur ce terrain.

Au cours de la décennie écoulée, l’Allemagne est devenue l’une des économies européennes les plus performantes. Sur la période 2013-2017, l’activité économique a enregistré une croissance annuelle de près de 2 % en moyenne, le chômage a reculé de 1,4 point à 3,8 % de la population active et les finances publiques ont été consolidées. La mise en oeuvre du programme de réformes structurelles « Agenda 2010 » par le chancelier Schröder (SPD, sociaux-démocrates) a contribué, dans une large mesure, à ce redressement économique.

Malgré une reprise robuste, la grande coalition entre la CDU/CSU (conservateurs) et le SPD, qui a gouverné le pays entre 2013 et 2017, est devenue de plus en plus impopulaire. En premier lieu, tout le monde n’a pas profité des succès économiques1. La dispersion des revenus s’est, de fait, modérément accentuée, un phénomène qui s’explique cependant surtout par une meilleure insertion des travailleurs peu qualifiés dans l’économie. Le SPD a même fait campagne sur un programme appelant à la construction d’une société plus juste et à revenir sur certaines réformes de l’Agenda 2010. Ensuite, à l’instar d’autres pays européens, les inquiétudes suscitées par les politiques sur l’immigration sont allées croissant, alors qu’entre 2015 et 2016, l’Allemagne a accueilli 1 200 000 demandeurs d’asile.

Les partis de la coalition ont subi un lourd revers électoral lors des législatives de septembre 2017. Le score de la CDU/CSU s’est effondré, passant de 41,5 % à 32,9 % des voix. Le SPD n’a obtenu que 20,5 % des suffrages, soit un repli de 5,2 points de pourcentage. De plus, pour la première fois, un parti d’extrême-droite a réussi à dépasser le seuil électoral de 5%. Avec 12,6 % des voix, l’AfD (Alternaive pour l’Allemagne) est ainsi devenu la troisième force politique du pays. La formation d’une nouvelle coalition ne fut pas chose facile. Premier groupe au Bundestag, la CDU/CSU, dirigée par la chancelière Angela Merkel, a pris l’initiative de former un nouveau gouvernement. Les options étaient limitées : le SPD préférait, en effet, rejoindre les bancs de l’opposition pour la durée du nouveau mandat parlementaire, tandis qu’une participation des partis de l’extrême droite et de l’aile gauche était exclue. La seule solution viable semblait être une alliance entre la CDU/CSU, les Verts (die Grüne) et le FDP (libéraux), baptisée « coalition Jamaïque » d’après les couleurs des trois partis. Mais, les négociations entre ces formations ayant échoué, la Chancelière s’est de nouveau tournée vers le SPD.

En contrepartie de sa participation, le SPD a réussi à obtenir d’importants portefeuilles comme le ministère des Finances, le ministère des Affaires sociales et celui des Affaires étrangères. De plus, l’accord de coalition a repris une bonne partie de son programme, comme l’augmentation des retraites, le soutien à la réinsertion des chômeurs de longue durée et les restrictions relatives aux contrats de travail de courte durée. Les mesures en faveur des familles ont été proposées principalement par la CDU/CSU. Enfin, les deux membres de la coalition ont approuvé les mesures destinées à relancer l’investissement, en particulier, dans les infrastructures et l’éducation.

Le programme de gouvernement

Une politique budgétaire expansionniste
Selon l’accord de coalition, les dépenses fédérales nettes seront augmentées de EUR 46 mds sur la période 2018- 2021, dont EUR 10 mds de réductions d’impôts. Et encore ne s’agit-il là que des dépenses prioritaires. De plus, certains postes de dépenses sont difficiles à estimer comme une plus forte contribution à l’UE après le Brexit, dont le montant sera fixé au cours des négociations avec les membres restants de l’UE. Selon des estimations de l’Institut de recherche IW (Institut der deutschen Wirtschaft), l’augmentation des dépenses publiques nettes (dont la sécurité sociale) pourraient s’élever à près de EUR 90 mds sur quatre ans ou presque 0,7 % du PIB par an en moyenne), dont EUR 66 mds pour les dépenses fédérales (Tableau 1). Même ces chiffres sousestiment l’accroissement des dépenses tant les coûts de nombreux programmes sont difficiles à quantifier.

L’augmentation des dépenses est destinée, en partie, au développement des infrastructures numériques, financé par la mise aux enchères des licences 5G. Cependant, la plupart des mesures prévues sont destinées à soutenir le pouvoir d’achat, plutôt que les améliorations structurelles. C’est en particulier le cas de l’augmentation des allocations familiales et des pensions, de la suppression de la taxe relative à la réunification pour les revenus moyens, de l’ajustement des tranches d’imposition à l’inflation, ainsi que de la baisse des cotisations de chômage. Ces mesures représentent déjà, à elles seules, EUR 65 mds environ. La mise en oeuvre d’une politique budgétaire expansionniste est une réponse tardive aux diverses demandes des organisations internationales comme la Commission européenne, l’OCDE et le FMI pour une politique macroéconomiques favorable à la croissance.2 Cependant, l’économie étant en haut de cycle, ce soutien budgétaire n’arrive pas au moment le plus opportun.

A terme, l’accord de coalition pourrait questionner la solidité des finances publiques. Les dépenses fédérales seront concentrées sur la période 2020-2021, soit EUR 51 mds sur un programme total de EUR 66 mds. Selon l’IW, l’Etat devra lancer un nouvel emprunt d’environ EUR 20 mds pour couvrir les dépenses en 2021 (graphique 1). Le financement sera encore plus compliqué pour le prochain gouvernement. Ce dernier sera, en effet, confronté à une augmentation des dépenses non couverte d’environ EUR 40 mds en 2022. Dans ces conditions, M. Scholz, ministre des Finances, aura beaucoup de mal à maintenir la stratégie du « schwarze Nulle » (zéro déficit ou excédent), surtout si la croissance venait à décevoir.

Construction européenne : des ambitions revues à la baisse

Sur l’insistance du leader du SPD, l’accord de coalition s’ouvre sur un chapitre consacré à l’Europe. Martin Schulz a, en effet, été membre du Parlement européen de 1994 à 2017 et même son président de 2012 à 2017. Comme M. Schulz a démissionné de la présidence du SPD après les négociations de coalition, l’Europe a perdu l’un de ses plus fervents partisans au sein du gouvernement. En étroite coopération avec la France, la coalition a vocation à renforcer l’Union européenne et ses institutions pour une meilleure résilience de la zone euro face aux crises. Mais la politique de l’Allemagne, toujours fondée sur ses deux grands principes, ne devrait guère changer : premièrement, le respect du Pacte de stabilité et de croissance ; deuxièmement, le non partage des dettes, dont l’héritage doit donc rester assumé par les seuls Etats.

Les partenaires de la coalition ont voulu envoyer un signal positif en direction du Président français, Emmanuel Macron, pour ses propositions de réforme. Toutefois, l’accord reste assez flou sur celles qui doivent être mises en oeuvre. Il est favorable à la transformation du mécanisme européen de stabilité en un fonds monétaire européen. Cependant, le rôle des parlements nationaux ne devrait pas s’en trouver affecté. Au cours d’une réunion récente avec le groupe parlementaire CDU/CSU, la chancelière Merkel a souligné que le nouveau fonds monétaire impliquait une modification des traités. Or, compte tenu de la lourdeur d’une telle procédure, le projet pourrait être long et difficile à concrétiser. Concernant l’union bancaire, le gouvernement va probablement rester sur sa position actuelle et insister sur le fait que les banques européennes doivent, si nécessaire, réduire les risques en portefeuille avant la création d’un mécanisme de garantie des dépôts bancaires à l’échelle européenne. L’Allemagne est prête à augmenter sa contribution à l’UE, une fois que le Royaume-Uni, qui est l’un des principaux contributeurs, aura quitté l’Union. Le cadre financier pluriannuel européen devrait prévoir des moyens à allouer à la stabilisation économique, à la convergence sociale et aux réformes structurelles. Ce pourrait être là les premières bases d’un fonds d’investissement européen. Cependant, aucun financement n’a été affecté à cette fin dans le plan financier de l’accord.

La coalition est favorable à l’imposition des sociétés Internet à l’échelle de l’UE, à l’introduction d’un salaire minimum européen, à des mesures contre le dumping fiscal et à l’instauration d’une taxe sur les transactions financières ou « taxe Tobin ». Cependant, il est peu probable que des progrès soient accomplis dans ce domaine ; il faut en effet un vote à l’unanimité sur les questions sociales et fiscales au niveau européen.

Marché du travail
L’un des principaux objectifs du gouvernement est de faire reculer le chômage de longue durée. A l’heure actuelle, 1,5 % des actifs sont sans emploi depuis plus d’un an. Le gouvernement entend consacrer EUR 4 mds à la réinsertion de 150 000 chômeurs de longue durée sur un total de 650 000. Par ailleurs, et contrairement à la volonté des organisations patronales, les partenaires de la coalition ont convenu de limiter encore plus le recours aux contrats de travail à durée déterminée. La durée des contrats courts, hors raison valable, sera ramenée de 24 à 18 mois. De plus, leur nombre dépendra de la taille de l’entreprise. Dans les sociétés de plus de 75 salariés, les contrats courts ne pourront représenter plus de 2,5 %. Selon l’Institut allemand de recherche sur le démissionné de la présidence du SPD après les négociations de coalition, l’Europe a perdu l’un de ses plus fervents partisans au sein du gouvernement.

En étroite coopération avec la France, la coalition a vocation à renforcer l’Union européenne et ses institutions pour une meilleure résilience de la zone euro face aux crises. Mais la politique de l’Allemagne, toujours fondée sur ses deux grands principes, ne devrait guère changer : premièrement, le respect du Pacte de stabilité et de croissance ; deuxièmement, le non partage des dettes, dont l’héritage doit donc rester assumé par les seuls Etats.

Les partenaires de la coalition ont voulu envoyer un signal positif en direction du Président français, Emmanuel Macron, pour ses propositions de réforme. Toutefois, l’accord reste assez flou sur celles qui doivent être mises en oeuvre. Il est favorable à la transformation du mécanisme européen de stabilité en un fonds monétaire européen. Cependant, le rôle des parlements nationaux ne devrait pas s’en trouver affecté. Au cours d’une réunion récente avec le groupe parlementaire CDU/CSU, la chancelière Merkel a souligné que le nouveau fonds monétaire impliquait une modification des traités. Or, compte tenu de la lourdeur d’une telle procédure, le projet pourrait être long et difficile à concrétiser. Concernant l’union bancaire, le gouvernement va probablement rester sur sa position actuelle et insister sur le fait que les banques européennes doivent, si nécessaire, réduire les risques en portefeuille avant la création d’un mécanisme de garantie des dépôts bancaires à l’échelle européenne.

L’Allemagne est prête à augmenter sa contribution à l’UE, une fois que le Royaume-Uni, qui est l’un des principaux contributeurs, aura quitté l’Union. Le cadre financier pluriannuel européen devrait prévoir des moyens à allouer à la stabilisation économique, à la convergence sociale et aux réformes structurelles. Ce pourrait être là les premières bases d’un fonds d’investissement européen. Cependant, aucun financement n’a été affecté à cette fin dans le plan financier de l’accord.

La coalition est favorable à l’imposition des sociétés Internet à l’échelle de l’UE, à l’introduction d’un salaire minimum européen, à des mesures contre le dumping fiscal et à l’instauration d’une taxe sur les transactions financières ou « taxe Tobin ». Cependant, il est peu probable que des progrès soient accomplis dans ce domaine ; il faut en effet un vote à l’unanimité sur les questions sociales et fiscales au niveau européen.

Marché du travail
L’un des principaux objectifs du gouvernement est de faire reculer le chômage de longue durée. A l’heure actuelle, 1,5 % des actifs sont sans emploi depuis plus d’un an. Le gouvernement entend consacrer EUR 4 mds à la réinsertion de 150 000 chômeurs de longue durée sur un total de 650 000.

Par ailleurs, et contrairement à la volonté des organisations patronales, les partenaires de la coalition ont convenu de limiter encore plus le recours aux contrats de travail à durée déterminée. La durée des contrats courts, hors raison valable, sera ramenée de 24 à 18 mois. De plus, leur nombre dépendra de la taille de l’entreprise. Dans les sociétés de plus de 75 salariés, les contrats courts ne pourront représenter plus de 2,5 %. Selon l’Institut allemand de recherche sur le marché du travail (IAB), 400 000 emplois environ pourraient être concernés.

Cette mesure va probablement surtout affecter les populations les plus précaires sur le marché du travail comme les chômeurs de longue durée ou les réfugiés ayant le statut de résident. À cet égard, la mesure semble aller à l’encontre de l’objectif du gouvernement d’améliorer l’accès de ces groupes au marché du travail. Dans les entreprises de plus de 45 personnes, les salariés sont en droit de travailler temporairement à temps partiel et de revenir à un plein temps par la suite.

Réseau numérique
Le déploiement à l’échelle nationale d’un réseau fibre pour le très haut débit est l’une des priorités du gouvernement. Ce réseau devrait être en place d’ici 2025. De plus, l’accès à Internet sera gratuit dans tous les bâtiments fédéraux et les trains et l’administration sera digitalisée. A partir de 2022, il devrait être possible de prendre contact avec tous les fonctionnaires par Internet. L’investissement correspondant sera financé sur les recettes générées par la mise aux enchères des licences 5G.

Enseignement et recherche
Le gouvernement affectera plus de EUR 10 mds à l’enseignement et à la recherche. Les investissements en matériel informatique seront également financés par la mise aux enchères de la 5G. EUR 2 mds seront consacrés aux écoles primaires à horaires étendus. Cela permettra aux parents d’accepter plus facilement un emploi à plein temps. A cette fin, l’interdiction constitutionnelle de toute coopération entre le gouvernement fédéral et les Etats dans le domaine de l’éducation va être assouplie. A partir de 2025, les parents seront en droit d’inscrire leurs enfants dans une école à horaires étendus. De plus, EUR 3,5 mds d’investissements publics seront consacrés aux crèches. Pour que l’Allemagne conserve sa place parmi les leaders de l’innovation, le gouvernement fédéral comme les Länder encourageront les dépenses de R-D pour les porter à 3,5 % du PIB en 2025, contre 3 % environ aujourd’hui.

Famille
L’accord de coalition est très favorable aux ménages. Ces derniers bénéficient, en effet, de la suppression de la taxe pour la réunification, qui s’appliquera à 90 % des apporteurs de revenus en 2021, de la correction des tranches d’impôt sur le revenu en fonction de l’inflation, ainsi que de la baisse des cotisations de chômage. Les ménages avec enfants sont les mieux lotis en raison de la hausse des prestations familiales (Kindergeld et Kinderzuschlag) à hauteur de EUR 3,5 mds. Pour améliorer l’accessibilité au logement des familles avec enfants, le gouvernement va réintroduire son programme d’aides à l’achat d’un logement (Baukindergeld). Chaque ménage, dont le revenu est inférieur à EUR 75 000 plus EUR 15 000 par enfant, percevra une allocation de EUR 1 200 par enfant et par an sur une période de dix ans. A défaut d’un accroissement notable de la construction de logements, cette mesure va probablement pousser les prix de l’immobilier à la hausse et rendre plus difficile l’accès des ménages sans enfants au marché immobilier. Comme le versement de cette aide portera sur une période de dix ans, le financement de ce programme s’étendra bien au-delà de la législature actuelle.

son mandat, le programme de construction à 1,5 million de maisons, en partie grâce à la construction de logements sociaux locatifs. Un objectif qui semble très ambitieux, puisque, entre 2013 et 2016, les permis de construire accordés ont à peine dépassé le million de logements.

Pensions de retraite
L’accord de coalition est très généreux pour les retraités. Pour lutter contre la pauvreté chez les retraités, la pension minimale (Grundsicherung) sera augmentée de 10 % pour ceux qui auront cotisé pendant au moins 35 ans. Deux seuils vont être introduits : le taux de remplacement du revenu d’activité ne sera pas abaissé en deçà de 48 % jusqu’en 20253. D’après les prévisions initiales, le taux de remplacement était censé atteindre 48 % en 2022 et 47,5 % en 2025. Le deuxième est le plafonnement du taux de cotisation à 20 %. Ce taux représente actuellement 19,5 % du salaire brut, réparti à parts égales entre le salarié et l’employeur. Le taux de cotisation aurait atteint 20 % en 2026. Cependant, ces projections sont remises en question en raison d’une augmentation d’autres prestations, comme les pensions bonifiées pour les personnes ayant eu la charge d’enfants au cours de leur vie active (Mütterrente). Concernant cette dernière prestation, le gouvernement a
affecté EUR 10,7 mds sur la durée du mandat actuel. Les nouveaux engagements de retraite constitueront dans les années à venir un lourd fardeau pour les comptes publiques.

Energie et climat
L’environnement reste le parent pauvre de l’accord de coalition. Il est clair, d’ores et déjà, que les objectifs que l’Allemagne s’était fixés dans le cadre du Plan d’action climat 2020 ne seront pas atteints. De plus, aucun calendrier n’a été établi pour l’abandon progressif du charbon. Une commission doit être constituée pour conseiller le gouvernement sur cette question. Elle devrait présenter son rapport début 2019. Le gouvernement a déjà alloué EUR 1,5 md aux mesures d’accompagnement de la fermeture des mines de charbon. Cependant, cela pourrait ne pas être suffisant. La oalition promet de respecter les objectifs de 2030, une date bien postérieure à la fin de son mandat. Le non-respect du Plan d’action climat 2020 est déjà un mauvais exemple pour les prochains gouvernements.

Conséquences limitées au plan macroéconomique
Le programme de coalition est le résultat d’un assemblage de revendications portées par les partis membres, mais manque de vision globale et cohérente à long terme. Comme la croissance est déjà proche de son potentiel, l’impact macroéconomique à court terme sera probablement limité. En particulier, les mesures destinées à encourager la construction seront probablement sans effet. Le secteur accuse déjà des pénuries de main-d’oeuvre. L’accroissement de la demande va probablement se traduire par des hausses de salaires, qui pourraient gagner d’autres entreprises, et par une nouvelle augmentation des prix de l’immobilier. L’impact sur les prix à la consommation devrait rester, cependant, limité. Selon nos estimations, l’effet des mesures gouvernementales pourrait être de 0,3 point de PIB en 2018 et en 2019, ce qui prolongera quelque peu la reprise. Depuis quelques mois, les indicateurs tels que l’indice IFO et l’indice des commandes annoncent un ralentissement du cycle. A plus long terme, le programme comprend aussi quelques éléments positifs comme le déploiement du haut débit au plan national, l’investissement dans l’équipement numérique des écoles et l’amélioration des services de la petite enfance et de l’enfance (écoles aux horaires étendus, crèches).

Pour autant, nombre de problèmes ne sont pas résolus ou seront légués au prochain gouvernement. C’est notamment le cas de la pérennisation du système publique des retraites. Plusieurs programmes vont être mis en place au cours de la législature actuelle, dont les principales conséquences financières se feront sentir après 2021, comme le Baukindergeld, la suppression partielle de la taxe pour la réunification et les modifications du système des retraites avec la bonification du Mütterrente et l’introduction de deux seuils (taux de remplacement du revenu d’activité et taux de cotisation). Le vieillissement de la population va, par ailleurs, accentuer la pression sur le système des retraites. Selon des estimations de l’Institut IW, le prochain gouvernement fédéral pourrait être confronté à un déficit de EUR 39 mds en 2022 et ce, hors déficits de la sécurité sociale, des communes et des Länder. Le prochain gouvernement pourrait n’avoir d’autre choix que la mise en place d’une politique budgétaire restrictive conformément au principe du « frein à l’endettement », une exigence constitutionnelle pour un budget structurellement proche de l’équilibre, voire équilibré.

De plus, en ne respectant pas les objectifs environnementaux que l’Allemagne s’est fixés, comme les normes d’émission, la coalition ne donne pas le bon exemple. Au lieu d’adopter une position ferme, elle se contente de nommer une commission d’experts, ce qui lui permet de différer la prise d’une décision. Enfin, le texte sur l’Europe reste plutôt vague. Il reprend les positions traditionnelles telles que le strict respect du pacte de stabilité et de croissance. Or ces concepts ont montré leurs limites lors de la crise de l’euro. De plus, comme l’a clairement affirmé la coalition, la zone euro ne doit pas se transformer en une union de transfert dont l’Allemagne serait le trésorier. Il reste néanmoins de bonnes raisons d’être optimiste. La chancelière Merkel a toujours su faire preuve d’un grand réalisme. Lors de la remise du prix Charlemagne d’Aix-la-Chapelle à Donald Tusk, alors Premier ministre polonais en mai 2010, Mme Merkel avait lancé un vibrant appel à l’unité de l’Europe et à la résolution de la crise de l’euro, rappelant que « l’effondrement de l’euro emportera avec lui l’idée d’unité européenne4 ». Ainsi, le principe directeur ultime de la politique européenne de la chancelière est clair.