Zone Euro : Marché du travail, un mieux qui reste inégal

L’emploi en zone euro affiche une croissance vigoureuse depuis 2013 et le taux de chômage est au plus bas depuis dix ans. Des indicateurs plus larges reflètent cependant une sous utilisation de la main-d’oeuvre encore élevée par endroits, tous les pays n’ayant pas connu la même amélioration. Dans le contexte de ralentissement économique, la question de la poursuite du rebond des salaires se pose.

Après les chocs de 2009 puis de 2013, le marché du travail dans la zone euro a retrouvé du dynamisme. Sur les cinq dernières années, plus de 9 millions d’emplois ont été créés. Cette dynamique est comparable à celle des cinq années d’avant-crise.

Une amélioration globale…
Le taux de chômage dans la zone euro, au sens du Bureau International du Travail (BIT)1, s’est réduit de manière continue pour atteindre 8,1 % de la population active au T3 2018, après 12,1 % mi-2013. Le chômage est désormais à un plus bas niveau depuis dix ans (graphique 1). Cette dynamique a accompagné la reprise de l’activité économique, qui a tendanciellement accéléré sur la période.
Le taux d’emploi, soit le rapport entre la population employée et la population en âge de travailler (15-64 ans), a également progressé nettement depuis 2013, en partie grâce aux contrats à durée déterminée qui représentent aujourd’hui environ 14% de l’emploi total (graphique 2). Le taux d’activité, soit le rapport entre la population active (occupant un poste ou chômeurs) et la population en âge de travailler, augmente quant à lui tendanciellement.

… à relativiser
La tendance agrégée sur le marché du travail masque des différences importantes entre les quatre grandes économies2 de la zone, tant en dynamique qu’en niveau (graphique 3). L’Allemagne apparaît comme un cas à part. En effet, le taux de chômage a atteint un niveau historiquement bas, à 3,4 %, en baisse marquée depuis 2009, où il s’établissait autour de 7,5 %. En France, le taux de chômage, qui a connu des mouvements d’amplitude moindre, diminue très progressivement, tandis que le chômage en Espagne a chuté de 10 points depuis 2013, mais demeure autour de 15 %. En Italie, le niveau du chômage a très nettement augmenté entre 2008 et 2014, dans un contexte économique dégradé (la croissance a été sensiblement négative en 2009 et en 2012), avant de diminuer à un rythme modéré.

Dans le sillage de la baisse du chômage, le taux d’emploi en Allemagne a continûment progressé pour atteindre 76%, soit un niveau supérieur de près de dix points au taux d’emploi moyen de la zone euro. Les trois autres grandes économies affichent un taux d’emploi inférieur au niveau moyen.

Cette dynamique favorable de l’emploi en Allemagne a été accompagnée par le développement du temps partiel notamment au début des années 2000, qui représente désormais plus du quart de l’emploi total (graphique 4). Bien qu’en hausse dans certains autres pays, en particulier en Italie, la part du travail à temps partiel y demeure plus faible. Une définition plus large de la sous-utilisation de la maind’oeuvre offre une vision plus complète de la situation du marché du travail. Cette mesure inclut les personnes qui : i) travaillent à temps partiel et souhaitent travailler davantage, ii) cherchent un emploi mais ne sont pas disponibles immédiatement et iii) ne cherchent pas d’emploi mais sont disponibles.

La sous-utilisation de la main-d’oeuvre serait ainsi environ deux fois supérieure que ne le suggère le taux de chômage, soit environ 16% de la population active élargie (graphique 5). Hors chômage, la part des personnes à temps partiel souhaitant travailler davantage est la plus importante, suivie des personnes disponibles mais qui ne sont pas en recherche. Très représentée en Italie, cette dernière catégorie témoignerait du découragement des chômeurs à chercher un emploi3. Depuis fin 2013, hors chômage, le taux de sous-utilisation baisse mais reste élevé. En Allemagne, ce taux baisse de façon marquée, tandis qu’il stagne en France et demeure élevé en Italie.

Contrainte sur les salaires
L’activité économique a ralenti en 2018 en zone euro, et les incertitudes sont nombreuses à moyen terme. La baisse de la croissance pourrait freiner celle du chômage, et enrayer l’accélération des salaires observée depuis mi-2016. Par ailleurs, bien qu’en baisse au cours des cinq dernières années, le niveau de sous-utilisation encore élevé dans certains pays pourrait continuer de faire pression sur les dynamiques salariales4. Dans le même temps, la hausse de la part des contrats temporaires au détriment des contrats à durée indéterminée, et le niveau élevé de contrat à temps
partiel pourraient limiter le pouvoir de négociation des salariés dans les économies concernées. Toutes choses égales par ailleurs, à l’exception de l’Allemagne, l’accélération des salaires observée depuis deux ans en zone euro pourrait à court terme être freinée.