Le secteur bancaire dans la région arabe est exposé à des risques climatiques croissants, susceptibles de déclencher une crise systémique si aucune mesure n’est entreprise pour renforcer sa résilience. C’est ce qu’indique une note d’analyse élaborée par Moez Labidi, économiste et conseiller auprès de la Direction de l’Institut Arabe de Planification, intitulée « Verdissement des politiques macroprudentielles dans la région arabe : Un cadre en phase initiale de développement ».
L’urgence d’une réponse macroprudentielle adaptée
Selon Moez Labidi, la transition vers une économie verte, synonyme d’opportunités d’investissement massives dans la région arabe, ne pourra s’opérer efficacement sans un cadre de politiques micro- et macroprudentielles robuste et innovant. Or, les dispositifs existants s’avèrent aujourd’hui insuffisants pour contenir les risques climatiques qui pèsent sur la stabilité financière.
L’économiste souligne l’impératif pour les banques centrales et les autorités de surveillance financière d’adopter une approche proactive afin d’atténuer les menaces systémiques et de soutenir une transformation économique durable, porteuse de nouvelles dynamiques sectorielles et de marchés.
Renforcer les outils de gestion des risques climatiques
Pour sécuriser l’ensemble du système financier et capter les opportunités liées à la finance verte, les banques centrales sont appelées à améliorer la collecte de données climatiques, à comprendre les mécanismes de transmission des risques (canaux de transmission, effets de débordement, amplificateurs) et à élaborer des plans d’action fondés sur une information rigoureuse.
Moez Labidi avertit cependant : une action précipitée et basée sur des données imparfaites pourrait entraîner des coûts économiques élevés. À l’inverse, une approche progressive mais bien informée renforcerait la solidité des marchés financiers tout en favorisant l’émergence d’un environnement propice aux investissements durables.
Le besoin d’un cadre réglementaire de finance durable
La note insiste sur la nécessité de développer un cadre réglementaire spécifique au verdissement des politiques macroprudentielles. Un tel cadre soutiendrait non seulement la transition écologique, mais ouvrirait également de nouvelles perspectives de financement durable pour les investisseurs publics et privés.
En intégrant progressivement les risques climatiques dans leurs simulations de crise et en instaurant des stress tests climatiques sophistiqués, les banques centrales pourraient garantir une évaluation plus précise de la solidité du secteur financier face aux chocs climatiques.
Modélisation climatique et instruments financiers verts
Labidi propose d’élargir les capacités de modélisation économique en recourant à des modèles d’équilibre général dynamique stochastique (DSGE) multisectoriels et multirégionaux. Ces modèles avancés permettraient de mieux anticiper les impacts financiers et économiques des changements climatiques ainsi que des politiques de transition.
Parallèlement, les ministères des Finances dans la région arabe sont encouragés à créer un marché secondaire pour les obligations vertes gouvernementales et privées. Ce marché contribuerait à élargir la palette des instruments financiers verts à disposition des banques centrales et à renforcer les ratios macroprudentiels verts, notamment en valorisant la détention d’obligations vertes liquides au sein du LCR (Liquidity Coverage Ratio).
Encadrer la transition pour éviter les dérives
Enfin, pour éviter les dérives liées à l’éco-blanchiment (« greenwashing »), il est crucial d’accompagner la transition verte par un encadrement réglementaire rigoureux. Ce dispositif garantirait la crédibilité des marchés financiers durables et soutiendrait l’attractivité de la région arabe auprès des investisseurs internationaux en quête d’opportunités responsables et pérennes.