La Tunisie observe une progression significative de sa masse monétaire en circulation, franchissant à nouveau le cap symbolique des 24 milliards de dinars en 2025. Cette dynamique, marquée par une augmentation de 1 593 millions de dinars depuis fin 2024, s’explique par un ensemble de facteurs économiques, sociaux et culturels, comme l’explique Bassem Ennaifer, analyste économique et financier.
L’Aïd Al Idha : un moteur traditionnel de la demande de liquidités
Comme chaque année, l’approche de l’Aïd Al Idha, prévue dans les prochains jours, est un facteur déterminant de cette nouvelle envolée de la monnaie en circulation. Cette fête religieuse, qui implique l’achat et le sacrifice de moutons, génère une demande massive de liquidités, car ces transactions s’effectuent presque exclusivement en espèces. C’est une constante observée annuellement, et 2025 ne fait pas exception à cette règle culturelle profondément ancrée dans les habitudes tunisiennes.
Il est à noter que la première hausse significative de la monnaie en circulation cette année avait déjà été enregistrée en mars 2025, juste avant le mois de Ramadan. Ces périodes de consommation intense et de célébrations religieuses sont traditionnellement des pics pour la demande de liquidités, reflétant des comportements d’achat spécifiques des ménages tunisiens.
L’inflation : un catalyseur majeur de l’augmentation des liquidités
Au-delà des facteurs culturels et religieux, l’inflation joue cette année un rôle amplificateur indéniable dans l’augmentation de la masse monétaire en circulation. Selon Bassem Ennaifer, bien que la demande de liquidités soit un phénomène récurrent durant ces périodes, les montants atteints en 2025 sont « incontestablement plus élevés » en raison de la hausse généralisée des prix. L’érosion du pouvoir d’achat pousse les ménages à retirer davantage de liquidités pour faire face à des dépenses quotidiennes plus importantes, particulièrement pour des achats à forte valeur.
La nouvelle loi sur les chèques : une influence écartée pour cette hausse
Contrairement à certaines spéculations, Bassem Ennaifer écarte tout lien entre l’augmentation actuelle de la monnaie en circulation et la récente législation sur les chèques. L’analyste affirme clairement que « cette hausse de la BMC ne peut pas être expliquée, au moins pour cette fois-ci, par la nouvelle loi sur les chèques ». Les principaux moteurs de cette évolution restent, selon lui, d’ordre économique, culturel et monétaire, soulignant la complexité des interactions qui influencent la circulation de la monnaie.
L’épargne nationale et la monnaie scripturale : des sources croissantes de liquidité
L’accroissement des liquidités en circulation est également alimenté par une mobilisation accrue de l’épargne nationale. Les chiffres sont éloquents pour le premier trimestre 2025 : l’épargne postale a progressé de 126 millions de dinars pour atteindre 10 650 millions de dinars, tandis que l’épargne bancaire classique a augmenté de 362 millions de dinars, se situant à 34 666 millions de dinars. Cette accumulation d’épargne offre aux ménages une flexibilité financière qu’ils utilisent lors des périodes de forte consommation.
Parallèlement, la monnaie scripturale, qui représente les fonds disponibles sur les comptes bancaires et souvent convertie en espèces pour les transactions courantes, joue un rôle de plus en plus crucial. Entre février 2024 et février 2025, cette masse a augmenté de 3 697 millions de dinars, contribuant de manière significative à la hausse globale de la monnaie en circulation. Cette tendance met en lumière l’interdépendance entre les différentes formes de monnaie dans l’économie tunisienne.
Une tendance structurelle et conjoncturelle à surveiller
En somme, la forte augmentation de la masse des billets et monnaie en circulation en Tunisie en 2025 est le résultat d’une combinaison de facteurs conjoncturels, tels que les fêtes religieuses et l’inflation, et de facteurs structurels, incluant la hausse de l’épargne et la progression de la monnaie scripturale. Cette tendance souligne l’importance des liquidités dans le tissu économique tunisien et la nécessité d’une surveillance continue de leur évolution, en lien avec les comportements sociaux, monétaires et financiers. Comprendre ces dynamiques est essentiel pour appréhender les mouvements de l’économie tunisienne et anticiper ses prochaines évolutions.