Hafedh Caïd Essebsi : « L’alliance avec les islamistes d’Ennahda est dans l’intérêt de la Tunisie »

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Hafedh Caïd Essebsi : « L’alliance avec les islamistes d’Ennahda est dans l’intérêt de la Tunisie »

Agé de 53 ans, Hafedh Caïd Essebsi est aujourd’hui à la tête de Nidaa Tounes, le parti dominant la coalition gouvernementale à Tunis qui s’inscrit dans l’héritage bourguibien.

Fils du président de la République Béji Caïd Essebsi, il a été nommé début janvier à la direction provisoire du parti à la suite d’une violente crise interne qui s’est traduite par de nombreuses défections. Au sein de cette famille politique tunisienne dite « moderniste », il incarne la réconciliation avec les adversaires d’hier, les islamistes d’Ennahda.

Nidaa Tounes, qui domine la coalition gouvernementale, a été récemment victime d’une violente crise. Quelle est votre version des événements ?
Nous sommes aujourd’hui victimes de notre faible représentativité dans les rouages du pouvoir. Il faut remonter à note victoire aux élections législatives et présidentielle de la fin 2014. Après la formation du nouveau gouvernement, nous n’avions pas pris les rênes du pouvoir de manière franche. Au sein du conseil constitutif de Nidaa Tounès, douze membres sur quatorze étaient alors partis au gouvernement, à la présidence ou au Parlement. Le parti s’est vidé, s’est marginalisé.

Mais le départ massif de ces dirigeants du parti au cœur de l’Etat ne montre-t-il pas justement qu’il s’est installé dans les rouges du pouvoir ?
Oui, mais cela n’est rien par rapport aux 200 000 adhérents du parti. Cette base s’est sentie marginalisée. Elle avait contribué à Nidaa, elle réclamait sa place. Ensuite, la loi électorale n’arrangeant pas les grands partis, nous n’avons pas eu la majorité absolue à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Nous avons donc dû faire des alliances avec d’autres pour gouverner. Et c’est là que les problèmes ont commencé.
D’une part, ces contraintes ne nous ont pas permis d’appliquer notre programme électoral et cela a engendré de l’amertume au sein de la base. D’autre part, nous avons intégré Ennahda [le parti islamiste arrivé en deuxième position au scrutin législatif de 2014] dans ces nouvelles alliances, et cela a accentué la réprobation au sein du parti et de l’opinion publique en général. Car toute la campagne électorale avait été axée sur un mot d’ordre : faire sortir Ennahda [vainqueur des élections de 2011] des cercles de pouvoir. Nous n’avions pas préparé notre base à cette hypothèse.

Etes-vous personnellement favorable à une telle alliance avec Ennahda ?
Un homme politique est obligé de composer avec l’existant. Aujourd’hui, cette alliance est dans notre intérêt commun, c’est l’intérêt du pays. Il y va de sa stabilité et sa sécurité. La Tunisie est actuellement gérée avec des compromis. L’avenir dira si cette réconciliation est profonde ou superficielle. Personnellement, j’espère que, dans l’intérêt du pays, cette réconciliation sera profonde. Sinon, la bipolarité que nous avons connue en 2013 ressurgira.

Etes-vous partisans de listes communes entre Nidaa Tounes et Ennahda lors des prochaines élections municipales ?
La nouvelle direction dont se dotera le parti en juillet prendra une décision.

Vous savez que votre accession à la tête de Nidaa Tounes a été vivement critiquée comme une « succession dynastique ». Que répondez-vous ?
La Tunisie est aujourd’hui une démocratie fondée sur les élections et la volonté du peuple. Dans ce cadre-là, il n’y a pas de succession dynastique. Je suis un démocrate. J’ai été soutenu par la base du parti et l’actuelle direction est de toute manière transitoire. D’autre part, on ne peut pas priver un citoyen de ses droits civiques au nom de la critique de la « succession dynastique ».

La critique vise aussi votre entourage dans lequel évoluent certains hommes d’affaires.
Aucun homme d’affaires n’exerce une quelconque emprise sur ma personne ou sur mes convictions. La Tunisie a été privée de démocratie pendant cinquante-cinq ans, il est normal que la liberté d’expression gagnée aujourd’hui connaît quelques abus. Ces histoires d’hommes d’affaires sont exagérées et amplifiées par cette liberté d’expression et par « Radio trottoir ». Mais je récuse cette accusation d’être sous influence. Je fais de la politique avec de la morale.

Sur votre frontière orientale, la Libye est plongée dans le chaos. Certaines capitales occidentales envisagent une intervention militaire contre des bases de l’organisation Etat islamique (EI). Qu’en pensez-vous ?
La Libye ne doit pas prêter son territoire à aucune forme d’intervention militaire en Libye. Nous devons rester en dehors. Certes, seul Syrte, la base de Daech [acronyme arable de l’Etat islamique] en Libye, devrait faire l’objet de frappes ciblées. Mais cette intervention aura des répercussions sur notre pays, notamment via un exode de réfugiés. La Tunisie n’a vocation ni à intervenir, ni à prêter son concours. C’est d’ailleurs la position de la majorité de la classe politique tunisienne.

Les régions de l’intérieur ont été le théâtre en janvier d’une agitation sociale, mobilisant principalement les jeunes diplômés chômeurs. La question sociale demeure extrêmement sensible en Tunisie. Que proposez-vous pour y remédier ?
La révolution en Tunisie avait un double mot d’ordre : la liberté et la dignité. En matière de libertés, il y a des acquis et nous travaillons à ancrer ce processus. Quant la dignité, c’est surtout le problème de l’emploi. Il nous faut une vision claire qui puisse rassurer la jeunesse sur son avenir. Nous avons un problème de formation professionnelle. Le système éducatif en Tunisie souffre de défaillances. Il faut le réformer pour le mettre en adéquation avec le marché de l’emploi. Il faut comprendre que l’Etat ne peut plus offrir d’avantage. Les créations d’emploi, c’est le secteur privé qui doit s’en charger. A lui seul, le versement des salaires de fonctionnaires absorbe autour de 45 % du budget de l’Etat. Et il faut en plus à ce dernier renflouer les entreprises nationales déficitaires. Il y a 200 de ces entreprises nationales pour lesquelles il faut trouver une solution. Il faut réfléchir à leur privatisation. L’Etat est un mauvais gestionnaire, ce n’est pas son rôle.

Etes-vous un libéral en économie ?
Un libéral, oui, mais en Tunisie, nous ne pouvons pas être en faveur du libéralisme sauvage. Nous devons être des libéraux sociaux attentifs au sort des couches sociales les plus fragiles qu’il faut soutenir et protéger.

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