ENDA, TAYSIR, DAAM… Ces acteurs qui redessinent la microfinance en Tunisie

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Un secteur structuré au service de l’inclusion économique

La microfinance tunisienne s’est progressivement imposée comme un levier majeur de l’inclusion financière, notamment à travers un cadre réglementaire consolidé depuis le décret-loi 2011-117. Démarrée dans les années 1960 à travers des initiatives locales et appuyée par des ONG internationales dans les années 1980, elle s’est institutionnalisée à partir des années 1990 avec la création de la Banque Tunisienne de Solidarité (BTS), puis l’émergence de l’ONG ENDA inter arabe. La mise en place d’un cadre légal en 1999 a permis la reconnaissance officielle des Associations de Microcrédit (AMC).

Le tournant stratégique de 2011 a transformé le paysage avec l’introduction de normes prudentielles, la création de l’Autorité de Contrôle de la Microfinance (ACM), la mise en place d’une Centrale des Risques spécifique, et l’ouverture du marché à des acteurs privés sous forme de sociétés anonymes (IMF-SA).

Une infrastructure financière de plus en plus mature

Le secteur bénéficie aujourd’hui d’une infrastructure réglementaire et institutionnelle robuste. L’ACM, organe indépendant doté de pouvoirs de supervision, joue un rôle central dans la régulation des IMF. Son intégration dans l’Alliance pour l’Inclusion Financière en 2013 a renforcé sa crédibilité à l’international.

Le système de gestion des risques a été complété en 2016 par une Centrale des Risques dédiée aux IMF, connectée à celle de la Banque Centrale de Tunisie. Parallèlement, l’Observatoire de l’Inclusion Financière collecte des données stratégiques sur l’accès et la qualité des services financiers, soutenant les politiques publiques de financement inclusif.

Une offre de crédit segmentée et des services à forte valeur ajoutée

Les plafonds réglementaires pour les microcrédits varient selon le statut juridique :

  • Jusqu’à 40 000 DT pour les sociétés anonymes,
  • 10 000 DT pour les associations,
  • Pour l’amélioration des conditions de vie : 6 000 DT (sociétés), 2 000 DT (associations).

Outre le financement, les IMF offrent également des services non financiers (formation, accompagnement entrepreneurial, marketing, etc.), consolidant ainsi la rentabilité et la soutenabilité des projets financés.

À fin 2023, 220 agences opéraient à travers le territoire, dont 50 % pour ENDA TAMWEEL, signe d’un maillage territorial significatif.

Un marché dominé par quelques institutions solides

Le secteur est animé par sept IMF-SA agréées entre 2014 et 2019 :

Institution Agences Particularités
ENDA TAMWEEL

109

472 000 clients, leader du marché
ADVANS TUNISIE

24

+30 000 clients, partenaire de SANAD et INAAM
TAYSIR

29

Appartient au groupe HORCHANI
MICROCRED

20

Contrôlée par Slim BEN AYED, 20 000 clients
DAAM (ex-CFE)

23

Appui de PROPARCO, AfricInvest
ZITOUNA TAMKEEN

19

Finance islamique, filiale de Zitouna Bank
EL AMEL

7

Cible les projets établis, fondée par Abdelwahab NACHI

Performances financières en forte croissance

Entre 2021 et 2024, le secteur a connu une croissance annuelle moyenne de 16,2 % de l’encours de crédits, atteignant 2 295,2 MDt fin 2024. Le nombre de clients actifs est passé à 627 362. Le volume de décaissements a crû de 1 584,8 MDt en 2021 à 2 301,1 MDt en 2024, tandis que le montant moyen des microcrédits est passé de 3 737 DT à 4 530 DT.

L’indicateur de risque PAR 30 (Portefeuille à Risque > 30 jours) a légèrement fluctué, culminant à 3,33 % en 2023 avant de revenir à 2,96 % en 2024, un signal de stabilisation post-crise COVID.

Accès au financement : un défi structurel

Les IMF sont confrontées à des limitations de refinancement. À l’inverse des banques, elles n’ont pas accès au refinancement auprès de la Banque Centrale. Elles s’appuient donc sur les banques commerciales et les bailleurs internationaux, à des coûts élevés. Pour contourner ces contraintes, les IMF-SA ont eu recours au marché obligataire :

  • ENDA TAMWEEL a levé 50 MDt en mai 2024 via appel public.
  • TAYSIR a suivi avec une levée de 40 MDt en août.
  • Le secteur a émis 116 MDt en 2023 (15 % du marché corporate) et 123 MDt en 2024 (27 % du marché privé).

Selon TUNISIE CLEARING, la prime de risque des obligations IMF (122,4 points de base) est plus élevée que celle du leasing (90,9 pbs) et du secteur bancaire (34 pbs), ce qui reflète à la fois le risque perçu et la rentabilité potentielle pour les investisseurs.

Opportunités pour les investisseurs et perspectives stratégiques

Le secteur attire de plus en plus d’investissements privés, notamment via des fonds spécialisés et des mécanismes de garantie. Le ministère des Finances propose une stratégie à long terme avec des objectifs clairs :

  • Institutionnaliser le refinancement via un fonds public ou semi-public.
  • Introduire de nouveaux instruments financiers (ex : fintechs, transferts numériques).
  • Élargir l’accès aux fonds propres et emprunts extérieurs.
  • Renforcer la transparence et la gouvernance financière des IMF.

Vers une microfinance digitale et inclusive

Les IMF tunisiennes intègrent de plus en plus les solutions digitales :

  • Encaissement et remboursement via établissements de paiement ou partenariats avec La Poste Tunisienne.
  • Digitalisation du parcours client : demande, étude, gestion sur tablette.
  • Collaboration avec des acteurs privés (ex. : Groupe DÉLICE dans la filière laitière).

Les institutions comme ENDA et TAYSIR concentrent leurs activités dans les régions intérieures, combinant ancrage local et innovation numérique pour renforcer l’inclusion économique.

Un marché à fort potentiel pour les investisseurs institutionnels

La microfinance tunisienne, portée par une régulation renforcée, une digitalisation avancée et une demande sociale soutenue, constitue aujourd’hui un secteur d’investissement stratégique. Les perspectives de croissance restent solides, en particulier dans les régions sous-desservies et à travers les produits financiers alternatifs. Pour les investisseurs professionnels et les institutions financières, il s’agit d’un marché à surveiller de près, à la croisée de l’impact social et du rendement économique.

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