La récente publication des indicateurs monétaires et financiers de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) au 8 mai 2025 révèle une situation économique nuancée, marquée par une solidité apparente des réserves de change, mais aussi par des dynamiques sectorielles contrastées et des pressions persistantes. L’analyse approfondie de ces données offre un éclairage crucial pour les acteurs économiques et les décideurs politiques.
Niveau des Avoirs en Devises : Stabilité Trompeuse et Érosion Annuelle
Les avoirs nets en devises de la Tunisie s’établissent à un niveau substantiel de 22,9 milliards de dinars au 8 mai 2025, représentant l’équivalent de 99 jours d’importation. Ce seuil, bien qu’offrant une couverture confortable pour les besoins immédiats du pays en termes d’échanges commerciaux, masque une réalité moins optimiste. En effet, une comparaison annuelle révèle une diminution de 3% par rapport à la même période en 2024. Cette érosion progressive des réserves de change souligne une pression continue sur les entrées de devises et met en évidence la nécessité de renforcer les sources de revenus extérieurs de manière durable.
Dynamiques Positives des Revenus Extérieurs : Secteurs Clés en Progression
Malgré la légère contraction des réserves globales, plusieurs composantes des revenus extérieurs affichent une performance robuste, contribuant à atténuer la pression sur la balance des paiements. Les revenus du travail, provenant essentiellement des transferts des Tunisiens résidant à l’étranger, ont enregistré une croissance significative de 8% en glissement annuel, passant de 2,4 milliards de dinars fin avril 2024 à 2,6 milliards de dinars fin avril 2025. Ces flux financiers représentent un pilier essentiel du soutien à la balance courante, témoignant de la résilience et de la contribution de la diaspora tunisienne à l’économie nationale.
Le secteur touristique confirme également sa trajectoire de reprise, avec une augmentation notable de 6,7% des recettes touristiques durant les quatre premiers mois de 2025, atteignant 1,9 milliard de dinars. Ce redressement progressif, après des périodes de forte turbulence, est un signal positif pour l’attractivité du pays et son potentiel à générer des devises étrangères, un élément crucial pour la consolidation des réserves.
Gestion de la Dette Extérieure et Dynamisme du Marché Interbancaire
La stabilité du service de la dette extérieure, maintenu à 6,6 milliards de dinars entre avril 2024 et avril 2025, reflète une gestion prudente des engagements financiers internationaux de la Tunisie. Dans un contexte économique mondial incertain, cette maîtrise des sorties de devises liées au remboursement de la dette est un facteur de stabilité macroéconomique.
Par ailleurs, la forte expansion du volume des transactions interbancaires, qui a doublé en un an pour atteindre 3,1 milliards de dinars au 8 mai 2025, signale un regain de dynamisme au sein du système bancaire tunisien. Cette augmentation significative des échanges de liquidités entre les institutions financières suggère une amélioration de la confiance et une plus grande fluidité du marché monétaire, des éléments essentiels pour soutenir l’activité économique globale.
Implications Économiques et Perspectives : Un Équilibre Délicat à Consolider
En conclusion, la situation économique tunisienne, telle que reflétée par les indicateurs de la BCT, présente un tableau complexe. Si la couverture des importations par les avoirs en devises demeure à un niveau acceptable, la légère érosion annuelle des réserves appelle à la vigilance. La performance positive des revenus du travail et des recettes touristiques offre un soutien non négligeable, mais ne suffit pas à compenser entièrement les pressions sur les avoirs extérieurs.
La stabilité du service de la dette est un point positif, tout comme le dynamisme croissant du marché interbancaire. Cependant, pour assurer une stabilité économique et monétaire durable, la Tunisie doit impérativement poursuivre ses efforts pour diversifier et renforcer ses sources de revenus en devises, notamment par la promotion des exportations, l’attraction des investissements étrangers et la consolidation de la reprise du secteur touristique. Le maintien d’une gestion rigoureuse des dépenses publiques et de la dette extérieure reste également primordial dans un environnement économique mondial en constante évolution.